Première lettre à Timothée I, 15-17 ; évangile selon saint Luc XVIII, 35-43.
Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.
Faisant route de Galilée à Jérusalem, Jésus passe par Jéricho. C’est la montée vers la Passion. À trois reprises,
Jésus en a fait l’annonce à ses disciples. Mais, dit saint Luc, ils ne comprenaient rien à cela . Autour de Jésus, les vrais aveugles, ce sont les disciples. Les disciples et puis aussi la foule, la foule plus encore, qui ne s’intéresse qu’à l’apparence des gestes de Jésus.
Jésus passe devant un aveugle. Lequel s’informe de celui qui arrive. On lui dit : « Jésus de Nazareth ». Nazareth, cela n’avait rien d’exaltant. « Que peut-il sortir de bon de Nazareth ? » avait dit Nathanaël . Une bourgade obscure, la plus obscure, la plus aveugle de toutes, qui avait été scandalisée en son temps par Jésus et qui l’avait chassé de la synagogue.
À l’opposé de tous ces incrédules, l’aveugle de Jéricho crie à tue-tête : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! ».
"Fils de David", c’est l’appellation du Messie, de celui que Dieu doit envoyer pour le rétablissement d’Israël. Le Messie, c’est l’Oint du Seigneur, celui que Dieu consacre par l’onction pour le salut de son peuple. Le Messie, c’est l’objet de l’espérance générale en Israël, des docteurs et des savants comme du peuple, des autorités religieuses comme des plus abandonnés des hommes. Le Messie, c’est le descendant de David que Dieu a promis pour rétablir sa justice et que tous attendent.
Pour l’aveugle, proclamer Jésus fils de David, c’est proclamer sa messianité, c’est le reconnaître publiquement comme l’objet de l’attente d’Israël. C’est la première fois que Jésus est interpellé à ce titre. Personne ne l’avait jamais dit. C’est un aveugle qui le révèle.
Mais les cris de l’aveugle dérangent et la foule le rabroue. Il tient bon et insiste. C’est qu’il connaît ses Prophètes.
Isaïe l’a dit : « Le Messie rendra la vue aux aveugles » . C’est pourquoi il persévère, sans se laisser décourager.
Il réclame Jésus de tout son cœur et de toutes ses forces. Jésus le fait venir. « Que veux-tu ? » lui dit-Il. « Seigneur, que je voie. »
"Seigneur", c’est encore autre chose. L’aveugle aurait pu dire, comme la foule des disciples, "Rabbi, Maître".
"Seigneur", c’est la reconnaissance et l’affirmation publique que Jésus est l’envoyé de Dieu, que toute puissance
Lui est dévolue, que Dieu agit par Lui et à travers Lui. Du coup, sa confession devient : « Seigneur Jésus, fils de David, aie pitié de moi ». Comment ne pas y reconnaître déjà notre invocation : « Seigneur Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur ».
L’aveugle reconnaît la toute-puissance de Jésus. Il avoue en même temps sa misère, sa détresse : il est aveugle.
Il implore de Jésus la grâce divine de sa guérison, dans la plus complète humilité autant qu’avec la plus totale obstination. « Vois, dit Jésus, ta foi t’a sauvé ».
Ce n’est pas le miracle qui importe le plus. C’est la foi de l’aveugle. La foi qui fait de l’aveugle un voyant. La guérison ne vient qu’en prolongement de la foi. Plus même, elle n’en est pas tant la conséquence que l’expression visible et extérieure. À la limite, la guérison n’apporte rien à l’aveugle qu’il n’eût déjà : voyant il était, voyant il reste.
Voir et savoir sont une seule et même chose. Seul, des disciples et de la foule, l’aveugle a su et a vu. Par la foi, l’aveugle est devenu un voyant, c’est à dire un prophète, qui annonce et proclame Jésus Christ et Seigneur.
« Si tu crois, dit Jésus à Marthe, tu verras la Gloire de Dieu ». L’aveugle a cru et a vu, tant il est vrai que la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu.
Amen.