Dimanche de l'Orthodoxie
Homélie de son excellence l’Archevêque Aristarchos de Constantine,
Membre du Saint Synode du Patriarcat de Jérusalem,
prononcée en 2006 au Saint-Sépulcre, à JérusalemLe premier dimanche de la sainte et grande Quarantaine, notre mère la sainte Église du Christ, nous réunit pour nous montrer la parure dont les impies et les mécréants l’ont dévêtue temporairement et dont les Pères théophores et les pieux empereurs l’ont de nouveau revêtue. Elle nous appelle pour nous montrer la blessure et la parure tâchée de sang des saintes icônes. Mais de nouveau, elle porte et nous montre sa tunique avec la figure du Christ et elle se réjouit et tressaille d’allégresse. Elle est fière du triomphe, elle se réjouit pour le retour du trésor perdu. Elle célèbre la victoire de la restauration des saintes icônes non comme une moindre victoire mais une victoire universelle, un triomphe de toute l’orthodoxie, de la pleine vérité chrétienne.
Pourquoi donc, l’Église a-t-elle attribué tant d’importance et de vérité aux icônes? Pourquoi le triomphe des icônes signifie le triomphe de l’orthodoxie?
Certainement, parce que l’Église, depuis le début, a lié les icônes à l’événement de l’Incarnation, au Verbe qui s’est fait homme. “Celui qui ne peut être contenu par rien, a été contenu dans le ventre, il est contenu et prend forme d’homme à l’intérieur du corps de la Sainte Vierge”. Sa première image est manifestée dans la nature humaine qu’il a revêtue. La première iconographe était la Mère de Dieu. Comme le kondakion de la fête l’exprime: Le Verbe du Père incirconscrit s’est fait circonscrire en s’incarnant en toi, o Mère de Dieu et restaure l’antique image souillée par le péché en lui ajoutant sa divine beauté... ”Cette vérité de l’économie de Dieu en vue du salut de l’homme, avec l’Incarnation de Son Fils de l’Esprit Saint, l’Église l’exprime en “parole” (logos), avec des mots, une prédication, mais elle la fait revivre en “acte” avec les icônes. Si l’Église avait refusé cette possibilité de représenter le Christ en icône, cela aurait été comme refuser qu’Il se soit incarné, qu’Il ait vécu comme Dieu Homme, qu’Il ait enseigné, guéri, et qu’Il ait été crucifié, ressuscité, puis ait été élevé au ciel, et qu’Il ait divinisé la nature humaine qu’il a revêtue. Ce serait comme si les apôtres ne l’avaient pas vu, pas accompagné. Enfin, “notre prédication serait vaine” (I Cor 15,14). Nous reviendrions au temps précédant le Christ, au judaïsme. Pour éviter ce danger, l’Église fait revivre apostoliquement, c’est à dire peint en accord avec le témoignage des apôtres la vue de l’incarnation, des miracles, des souffrances du Seigneur (4ème ode du canon des litanies du dimanche de l’Orthodoxie). “Celui dont Moïse a écrit dans la Loi ainsi que les prophètes,”(Jean 1,45) l’Église L’a dépeint dans les icônes, “Jésus, le fils de Joseph, de Nazareth.” (Jean 1,45). Il est incirconcis comme Dieu, circoncis comme homme.
Cependant, cet enseignement hagiographique et apostolique de l’Église a été en tout mal compris, contesté, et combattu par les empereurs byzantins au septième siècle après l’Incarnation du Seigneur, surtout par Léon l’Isaurien et Théophile qui trouvèrent appui dans une partie du clergé et du peuple qui ne se souciait pas de l’orthodoxie. Cette partie brûla, profana et enleva les icônes des églises. Cependant, l’autre partie du peuple et du clergé inspirée par des convictions apostoliques, comme Moïse dans l’épître d’aujourd’hui (Hébreux 11,25), préféra être maltraitée plutôt que de connaître la jouissance éphémère du péché. Ils acceptèrent la flagellation, ils baignèrent dans le sang de leurs blessures, leurs visages rougis par le feu, ils furent bannis, mutilés, ils subirent l’épreuve des dérisions et des fouets, et même celle des chaînes et de la prison. Ils ont été lapidés, sciés, ils ont péri par le glaive (Heb 11, 36-37). Ils ont mangé les plantes amères de la violence, et bu le calice jusqu’à la lie jusqu’à voir la Pâque de la restauration des saintes icônes et de la paix de l’Église sous les empereurs de mémoire éternelle Michel et de sa mère Théodora et sous le patriarcat du saint confesseur patriarche de Constantinople Méthode au septième concile oecuménique.
Ainsi, grâce à la patience et la persévérance des Pères dans les outrages et les persécutions, et, grâce au respect de l’Église orthodoxe pour la Tradition, nous avons encore aujourd’hui les saintes icônes dans nos églises comme témoins et servantes du mystère de notre salut dans la divine liturgie en même temps que l’Évangile et les hymnes. Elles nous introduisent dans l’événement de l’économie divine, c'est-à-dire de l’oeuvre de Dieu pour notre salut. Les icônes expriment avec la matière, avec les couleurs, les dogmes de l’Église.
Elles ne décorent pas seulement les murs mais elles disent Dieu, elles parlent au regard, comme la parole à l’oreille: “Comme la parole à l’ouïe, ainsi l’icône au regard” dit Saint Jean Damascène, le défenseur des icônes. Celles-ci témoignent avec certitude et perpétuent dans l’Église ce qui est “unique”, qui est arrivé une fois: le ciel s’est ouvert et le Fils de l’homme est descendu sur terre et les hommes dans l’Église sont montés au ciel. Elles parlent de la condescendance de Dieu et du salut de l’homme et de la déification selon la grâce. Elles manifestent la communion de Dieu et de l’homme. Elles dépeignent “le ciel ouvert et les anges de Dieu qui montent et qui descendent au-dessus du Fils de l’homme.”(Jean 1,51). Elles montrent le Christ comme icône de Dieu (2 Co 4,4. Col1,15) “Sceau identique au Père”, qui rend visible et manifeste Dieu. Elle nous appelle les fidèles, non seulement à imiter les vertus du Christ, mais à devenir Son icône, Son empreinte et Son lieu, un homme nouveau, Le révélant et le manifestant. En entrant dans l’Église, même si nous n’écoutons pas la Parole et l’homélie, il suffit de voir l’icône du Christ, de la Mère de Dieu et des saints. Nous sommes incités à atteindre le niveau du Christ, et des saints par le repentir afin d’être conformes à l’icône du Christ. L’aspect des saints encore en vie exerce une infuence édificatrice et un enseignement pour l’âme humaine. Rappelons cet exemple tiré des récits des Anciens(gérontikon) : trois frères arrivèrent chez le grand Antoine. Deux d’entre eux lui posèrent des questions sur les pensées et sur le salut de l’âme. Le troisième se taisait tout le temps. Quand, plus tard, le Grand Antoine lui demanda pourquoi il ne demandait rien. Celui-ci lui répondit: Il me suffit de te voir père !
En présence des icônes dans l’église, nous pouvons dire: “Lorsque nous nous tenons dans le temple de Ta gloire, nous pensons nous tenir au ciel”. Nous ne sommes pas seuls à prier, mais avec le Christ, la Mère de Dieu, et les saints. Ensemble, nous offrons un culte raisonnable à Dieu, nous sur terre, les saints au ciel, eux comme Église triomphante, nous comme crucifiée, tous comme membre de
Son corps, l’Église, nous comme vivants encore dans le monde, eux comme endormis et vivants dans le Seigneur, dans la communion des saints, des vivants et des morts (endormis). Nous, les vivants, nous adorons le Christ et nous respectons et honorons la Mère de Dieu et les saints comme les serviteurs du Christ. Nous les embrassons, nous nous attachons à eux de “coeur, des lèvres, des yeux et du front”, nous les vénérons, relativement, nous ne les adorons pas. Nous attribuons l’honneur non à la copie des icônes mais par leur intermédiaire au prototype du ciel. Nous prions devant elles, nous pleurons, nous leurs confions nos peines, nos problèmes, et celles-ci nous répondent soit silencieusement, ou en pleurant soit en faisant des miracles. Les icônes sont nos joyaux familiaux. Nous les transportons d’un lieu à un autre, d’une génération à l’autre. C’est une des facettes sans prix du diamant multidimensionnel de l’orthodoxie. La Tradition apostolique l’a gardé pur et intacte.
L’Église orthodoxe garde tout ce trésor et cette richesse théologique iconographique. Église dont on dit toujours qu’elle n’est pas une Église de règles, d’organisation et d’une bonne administration. C’est une opinion fausse, parce que notre Église est administrée par des synodes, comme la première Église apostolique. Elle s’efforce d’être selon les règles sans faire disparaître la liberté personnelle de ses fidèles au profit de l’unité et sans mettre en danger l’unité au profit de la liberté de ses fidèles. C’est l’Église des sept conciles, des dogmes, des canons, du typikon, des hymnes, des icônes. Pauvre et insignifiante selon le monde, et cependant nombreux sont ceux qu’elle enrichit. Dans la péricope évangélique ce paradoxe apparaît: “Que peut il sortir de bon de Nazareth? (Jean 1,46) demande l’apôtre Nathanaël à l’apôtre Philippe. Malgré cela le Christ est appelé Nazaréen. Peut-il sortir quelque chose de bon de l’Orthodoxie pauvre et insignifiante? Oui, elle contient la plénitude du christianisme, en elle seulement il y a la plénitude de la vérité chrétienne non falsifiée. Si quelqu’un a un doute, il faut lui donner la réponse de Nathanaël à Philippe:(Jean 1,46). Entre dans la banque ou se garde la vérité qui sauve, et, lutte de toutes tes forces et confiance pour ton salut ! Amen.
(Traduction: Mère Jeanne. Jérusalem)
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