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L’Aveugle de Jéricho

Première lettre à Timothée I, 15-17 ; évangile selon saint Luc XVIII, 35-43.

Homélie prononcée par Père Boris le 14 janvier 2007 à la Crypte

L'Aveugle de JérichoAu nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,

Aujourd’hui, mes amis, nous avons entendu le récit d’une guérison miraculeuse. Chacun des miracles du Seigneur est toujours une manifestation de Sa puissance mais aussi de la plénitude de Sa bonté, de Sa sagesse, de Son amour et de Sa miséricorde.
Saint Marc et saint Luc s’accordent tous deux pour nous relater ce miracle. Nous sommes aux portes de Jéricho, voici un aveugle auquel le Seigneur a donné de recouvrer la vue, Marc tient à nous préciser qu’il s’agissait de Bartimée , le fils de Timée.
Dans l’évangile de saint Jean, nous assistons à un miracle encore plus frappant, à savoir la guérison d’un aveugle-né et non pas seulement d’une personne qui a perdu la vue. Cet homme était né privé de la vue – l’appareil visuel, les organes de la vision étaient-ils atrophiés, endormis ou inexistants ? – et, cette fois, pour le guérir le Seigneur opère une véritable création nouvelle en formant de la boue avec Sa salive avant de lui appliquer sur les yeux.

Guérir un aveugle c’est, évidemment, lui redonner la vue, mais ici ce n’est pas seulement la fonction visuelle que le Seigneur restaure car s’Il rend la vue Il rend aussi capable de réaliser qu’existe une autre lumière que la lumière du jour, Il donne de percevoir, cachée dans le cœur humain, cette Lumière éternelle, qui est en vérité la manifestation de la présence du Seigneur Lui-même. Et cette Lumière a pour vocation de transparaître, de jaillir, d’éclater au grand jour. Quand le Seigneur guérit un paralytique, c’est plus que lui rendre sa mobilité, Il lui offre de pouvoir marcher et même de courir vers le Royaume parce que ce n’est pas à petit pas qu’il faut se diriger vers le Royaume, il faut s’y précipiter de toutes nos forces, de tout notre élan. Quand le Seigneur nous rend l’ouïe ce n’est pas seulement pour entendre les paroles quotidiennes, c’est pour écouter, comprendre, assimiler, accueillir en nous la parole de Dieu. Nous pourrions continuer ainsi… Chacun des miracles du Seigneur a toujours au-delà de la portée corporelle, physique et humaine une signification, un sens spirituel. Il importe de souligner que toutes ces guérisons manifestent la miséricorde, le pardon et le désir de Dieu de relever l’homme. Tous ces miracles témoignent de la volonté divine d’arracher l’homme à sa misère, à son infirmité, à ses maux, non seulement aux maladies du corps mais aussi, et non moins important, à la maladie de l’âme.

Car c’est, effectivement, à partir de l’instant où l’homme s’est détourné de Dieu que les Cieux se sont fermé. Certes, ils s’ouvrent de nouveau, mais à ce moment-là les Cieux se fermèrent et, depuis lors, Dieu se révéla comme un Dieu qui interroge, qui demande, qui quémande « Adam où es-tu ? Pourquoi as-tu mangé de ce fruit ? etc. » Peu à peu, les ténèbres se sont insinuées dans le cœur de l’homme et y ont établi leur influence délétère. Peu à peu, l’œil et le cœur s’enténèbrent et l’homme perd sa véritable fonction spirituelle de la vision de Dieu. Saint Irénée de Lyon a dit « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant » et la vie en plénitude pour l’homme c’est de voir Dieu. Nous avons été créés précisément pour cette vision de Dieu. En effet, quand Jésus redonne la vue à cet aveugle au sortir de Jéricho dans son ultime montée vers Jérusalem, ce miracle est hautement symbolique de ce que Jésus est, Lui-même, la Lumière du monde « Moi, Je suis la lumière du monde. Qui Me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie.  ».

Il faut lire et relire tout ce que nous dit le saint évangéliste Jean quand il nous révèle Jésus comme la lumière véritable : « La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue », les ténèbres ne l’ont pas cernée, enveloppée, étouffée. Tous les évangélistes racontent le conflit permanent entre Dieu et les forces sataniques, le conflit originel entre – et saint Jean y insiste tout particulièrement – la Lumière et les ténèbres. C’est un combat que Jésus a voulu Lui-même livrer et mener à travers l’obéissance au Père, à travers la souffrance, à travers Sa descente dans les ténèbres humaines jusque dans le désert de nos cœurs, jusque dans l’enfer de nos propres vies. Voilà tout ce dont nous devons nous souvenir quand nous pensons aujourd’hui à cette guérison de l’aveugle.

À l’aveugle qui demande cette impossible guérison, le Seigneur dit « Recouvre la vue  ! » mais Il ajoute aussitôt « Mon enfant, ta foi t’a sauvé  ! » Désormais, il est non seulement guéri, mais encore il est sauvé parce qu’il a cru. Bien sûr, nous ignorons la suite de sa vie, si ce n’est que les évangiles précisent qu’il suivit Jésus en glorifiant Dieu. Il n’y a en effet rien d’autre à faire que de suivre le Seigneur et de glorifier Dieu. L’itinéraire humain et spirituel de cet aveugle guéri nous reste inconnu mais nous pouvons penser que s’il a été guéri, si la foi l’a sauvé, alors désormais toute sa vie future est imprégnée de cette rencontre avec le Seigneur et que ses yeux se sont ouverts à la vision de l’unique Lumière de notre vie. Ainsi devons-nous retenir toute l’importance de cette démarche pour ouvrir nos yeux, de cette quête pour développer en nous cette aptitude de la vision de Dieu. À travers notre cheminement de foi individuel, à travers notre combat spirituel chacun de nous recouvre peu à peu la vue et nous nous ouvrons à la perception de la véritable Lumière.

Dans l’Église ancienne, les baptisés étaient appelés "illuminés". Cela signifie que ceux qui recevaient le baptême de vie nouvelle dans l’Esprit Saint retrouvaient la véritable capacité de la vision de la Lumière. À Pâques nous chantons « Nous avons vu la résurrection du Christ » et à la Pentecôte « Nous avons vu la Lumière véritable ». Nous avons vu cette Lumière véritable qui d’abord nous paraît éclairer de l’extérieur mais elle irradie tellement qu’elle se communique à nous et nous pénètre pour nous vivifier. La Lumière nous nourrit, nous instruit, nous comble et nous pacifie. En définitive, la Lumière nous illumine de l’intérieur et nous sanctifie.

Voilà pourquoi on peut dire que toute la plénitude de la grâce de Dieu peut être comprise et vécue à travers cette Lumière. Mais, à l’instar des théologiens russes, on peut dire la même chose de la Sagesse de Dieu dans laquelle toute la plénitude de la grâce et des énergies divines sont incluses. Et l’on peut dire de même de la Puissance de Dieu, ou de la Sainteté de Dieu… car la plénitude de la grâce et de la vie divine est incluse dans chacun de ses aspects, de ses manifestations, de ses participations. Dans cette multiplicité, il y a simultanément une simplicité absolue. C’est à l’image du prisme qui nous révèle toutes les couleurs de l’arc-en-ciel dans la lumière blanche, ce prisme où toutes les couleurs de l’arc-en-ciel convergent, fusionnent et s’unifient en la lumière blanche qui est l’image de la lumière du Christ. La Lumière, la Sagesse, la Puissance ou la Sainteté qui nous envahissent sont fondamentalement le Christ.

Mais si le but de notre vie de foi et de prière est d’être pénétrés, envahis, comblés de la Lumière véritable, nous devons réaliser qu’elle ne nous est pas uniquement destinée. À notre tour, nous devons apprendre à la communiquer autour de nous. Ce que dit saint Séraphim pour le Saint-Esprit : « Acquiers un esprit de paix et des milliers trouveront le Salut autour de toi » peut évidemment être appliqué à la Lumière véritable « Acquiers un esprit de lumière, une luminosité intérieure, et des milliers percevront cet éclat, seront illuminés autour de toi et recevront cette Lumière. »

Si notre cœur est pacifié, s’il est illuminé, il doit irradier et nous devons devenir des diffuseurs, des transmetteurs, des miroirs de cette Lumière pour préserver le monde des flots de ténèbres qui le menacent. Nous sommes, par conséquent, responsables de l’envahissement du monde par ces ténèbres. Nous sommes appelés véritablement non seulement à crier la grâce de Dieu, non seulement à proclamer la résurrection de notre Seigneur mais aussi à la vivre  ! Dans la mesure où cette Lumière est en nous et ne demande qu’à sourdre et à déborder, même notre silence la communique. La Lumière se dévoile et se transmet par notre être intérieur, par cette prière qui jaillit constamment de notre cœur, par notre joie et notre certitude. Au-delà de toute parole, la Lumière constitue le meilleur des questionnements pour "ceux du dehors" qui ne manquent pas de s’interroger : « Regardez donc les chrétiens comme ils s’aiment   ! Pourquoi sont-ils si lumineux ? Voyez comme ils sont transfigurés  ! Comment ont-ils été à ce point transformés intérieurement ? » À la Lumière qui émane de nous, ils se posent de telles questions.

Peut-être nos frères "du dehors" devraient-ils se poser plus souvent ce genre de questions, peut-être devrions-nous les leur inspirer davantage ? S’ils ne s’interrogent pas suffisamment, n’en sommes nous pas, nous-mêmes, responsables ? Si notre exemple ne les interpelle pas particulièrement, ne faut-il pas craindre que la Lumière ne jaillisse pas suffisamment de nous et que, peut-être, nous trahissions notre propre vocation ?

Que le Seigneur nous donne donc de guérir de notre aveuglement, de recouvrer la vue spirituelle, de vivre pleinement la Lumière, de la rayonner afin de transmettre aux hommes et au monde que le Christ est la Lumière du monde.

Amen.

Père Boris


Cf. évangile selon saint Marc X, 46.

Cf. évangile selon saint Jean IX, 1 et sq.

Cf. évangile selon saint Jean VIII, 12. Voir aussi IX, 5.

Voir notamment l’évangile selon saint Jean XIII, 35.

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