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Élisabeth

Élisabeth est entrée dans l'éternité de son Créateur, qui lui a donné « une fin paisible et calme, en toute piété et dignité », telle que nous la demandons à la Liturgie.

« Cette femme-là n'a peur de rien », me disait, admiratif, Mgr Paul. (Jeune hiéromoine, diplômé de Saint-Serge, en 1939, il l'avait connue, avant de retourner en Russie en 1946 et de réémigrer en 1975 : il est mort à Bruxelles.) « Songez donc : avec deux petits enfants sur les bras, elle faisait de la résistance pendant la guerre, et quand j'étais archevêque de Novossibirsk, elle m'a apporté deux valises entières de livres religieux. » (Nous qui connaissions la douane soviétique, apportions une bible et un livre de prières en russe, plus éventuellement quelques livres en français...)

Je la revois encore à 69 ans, soutenant – avec quelle vigueur et quel brio  ! - sa thèse de doctorat sur Alexandre Boukharev, l'archimandrite Théodore, un grand poseur de questions pour qui les choses avaient fort mal tourné puisqu'il avait été réduit à l'état laïc par le Saint-Synode et s'était marié. Paul Evdokimoff avait suggéré là un excellent sujet à Élisabeth. Qui donc connaissait ce contestataire, sinon le père Paul Florensky (il avait écrit sur lui un article avant la révolution bolchevique) et il n'y avait probablement pas une ligne sur lui en français. Mais Élisabeth, avec l'aide de ses amis, avait réussi à trouver les livres introuvables, à déchiffrer les écrits en russe, et à produire une thèse passionnante, éditée depuis chez Beauchesne.

« Venez voir, mes petits-enfants m'ont fait une surprise », nous disait-elle en nous montrant le gros album de photos de son 90e anniversaire, toute la famille rassemblée autour d'elle.

Le 1er octobre encore, à Saint-Serge, j'avais eu l'occasion d'échanger quelques mots avec elle. Invitée en Angleterre à parler du père Lev (un sujet dans lequel on la cantonnait peut-être un peu trop à mon goût), elle cherchait quelqu'un pour l'accompagner car elle avait des vertiges. Oh, elle ne s'en plaignait pas, elle le mentionnait simplement en passant ; elle s'inquiétait plutôt pour la santé d'un ami qui était bien présent à ses funérailles. Telle était Élisabeth, attentive et bienveillante envers tous.

Lorsque je suis entrée dans l'Orthodoxie, aux vigiles de Pentecôte 1972, Élisabeth m'a souhaité la joie. C'est le même souhait que répète Mgr Kallistos : « Rejoice, you are orthodox  ! ». L'orthodoxie d'Élisabeth aimait la joie.

Ce mercredi de la Saint-André (son mari se prénommait André), ce n'est pas la tristesse que l'on lisait sur les visages si nombreux qui se pressaient à la Crypte, mais bien plutôt la tranquille assurance que cette vie désormais parvenue à son terme avait été entièrement vécue pour le Seigneur, par une vraie chrétienne qui laissait derrière elle une descendance nombreuse (comme les plus petits étaient sages  !) et qu'il était l'heure de rendre grâce au Seigneur pour le témoignage d'Élisabeth et pour l'exemple qu'elle nous laisse, sans parler de ses livres.

Si parfois on se surprend à guetter la porte de la Crypte lorsqu'elle s'ouvre, notre communauté fraternelle ne soufflera pas les cent bougies d'anniversaire avec sa doyenne. Rendons grâce au Seigneur pour Élisabeth : elle est entrée dans le temps de Dieu.

Françoise Lhoest
En la fête de Saint-Nicolas 2005
 

 

 

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