Syméon le Nouveau Théologien

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Saint Syméon le Nouveau Théologien (949-1022)

Sur la Connaissance de Dieu

Saint Syméon (949-1022) a été surnommé le Nouveau Théologien, c'est-à-dire successeur spirituel de l’Apôtre Jean et de saint Grégoire de Naziance, en raison de la haute élévation de ses écrits. Nous en avons un exemple ci-dessous. L’auteur développe, entre autres, ce qui faisait le cœur de l’enseignement de saint Grégoire de Nysse : aucune créature ne cessera jamais de progresser dans la connaissance, et donc l’amour, de Dieu. Relevons, dans ce passage très riche, la justification d’une certaine terminologie monastique, parfois mal comprise. La distinction, qui remonte à Origène, des  « débutants » et « progressants » d’avec les « parfaits », l’appellation de « vie angélique » trouvent ici leur application sans la moindre contradiction avec les principes de l’humilité chrétienne.

Michel Feuillebois

Le pénitent et le contemplatif
Ni au contemplatif ne convient la pénitence, ni au pénitent ne convient la contemplation ; autant le levant est éloigné du couchant (Ps 102, 12), autant la contemplation surpasse l’état de pénitent. Comme quelqu’un qui vit dans les maladies et les infirmités ou comme un misérable déguenillé et criant l’aumône, voilà comment se comporte celui qui est dans l’état de pénitent et qui accomplit les œuvres de cet état. Mais le contemplatif ressemble au courtisan qui évolue au palais royal dans l’éclat du vêtement le plus digne du roi ; familier du roi, il lui parle quand il veut et à chaque instant il apprend de vive voix ses ordres et ses volontés.

Aperçu de ce qu’est la connaissance de Dieu
Le développement de la connaissance de Dieu devient la cause et la source de notre ignorance de tous les autres êtres et je dirai de Dieu même. L’éclat de sa lumière est une impossibilité de voir tout objet et la sensation au-dessus de tout objet, qui dépasse toute sensation, est une insensibilité à tout ce qui est en dehors d’elle ; car la connaissance qui ignore la nature, l’origine, le lieu, l’identité, le comment de son objet, et ne peut ni percevoir ni concevoir tout cela, comment sera-t-elle une sensation ? N’est-ce pas plutôt cet objet qui sera au-dessus de la sensation et l’intelligence, dans la sensation de sa propre faiblesse, ne se trouvera-t-elle1 pas insensible à ce qui est au-dessus de la sensation ? « Ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a - pas entendu, ce qui n’est pas entré dans le cœur de l’homme» (1 Cor 2, 9), comment tout cela tombera-t-il sous la sensation ?

Une forme supérieure de l’impassibilité
Le Seigneur qui nous a favorisés des biens supra-sensibles nous donne aussi une nouvelle sensibilité supra-sensible par son Esprit, afin que ses dons et ses faveurs qui dépassent la sensation, surnaturellement, à travers toutes les sensations, nous soient clairement et purement sensibles. Tout homme insensible à l’Un est insensible à toutes  choses, comme celui qui a la sensation de l’Un a la sensation de toutes choses à portée de lui, bien qu’il se tienne hors de la sensation de toutes choses ; la sensation de toutes choses est à sa portée et il n’est pas absorbé par leur sensation.

Uni au Verbe, on est uni à tous et à toutes choses
Celui qui n’entend pas la parole du Verbe, n’entend aucune voix et celui qui entend le Verbe les entend toutes ; sourd à toute voix, il les entend toutes et il n’en entend aucune, sauf celles-là seules qui forment leurs discours dans le Verbe ; et encore ce ne sont pas les discours qu’il entend mais le Verbe seul qui parle sans bruit de voix par cette voix.

Seule l’expérience peut faire saisir ces explications
Celui qui entend, qui voit, qui sent ainsi comprend le sens de ce que je dis ; mais celui qui n’a pas compris, évidemment il n’a pas les sens de l’âme ni vifs ni sains. Dans cet état il n’a pas encore appris qu’il a été créé pour contempler la nature visible et pour être initié au monde intelligible4 alors qu’il reçoit cet honneur il s’abaisse au rang des bêtes de somme sans intelligence (Ps 48, 13) et une fois acquise cette ressemblance il reste encore tel : il n’est pas converti, ni rappelé, ni ramené à sa première dignité selon l’économie du salut par notre Seigneur et Maître Jésus-Christ le fils de Dieu.
Tant que tu es en bas, ne cherche pas ce qui est en haut ; avant d’être élevé en haut, ne te mêle pas indiscrètement des choses d’en bas, car, si tu glisses, tu risques de perdre des deux côtés ou plutôt tu resteras avec ce qui est en bas.
Celui qui a été élevé par le roi de la pauvreté extrême à la richesse, qui a été revêtu par lui d’une dignité illustre et d’un uniforme brillant, qui a reçu l’invitation de se tenir en face de lui, celui-là considère le roi avec affection et l’aime plus que tout comme son bienfaiteur ; il examine attentivement l’uniforme qu’il a revêtu, il prend conscience de la dignité et reconnaît la richesse qui lui est échue. Ainsi le moine qui a abandonné sincèrement le monde et ses biens et qui s’est approché du Christ, qui a ressenti l’appel et a été élevé au sommet de la contemplation spirituelle par la pratique des commandements, celui-là voit Dieu en personne sans erreur possible et il examine attentivement le changement survenu en lui, car il voit continuellement la grâce de l’Esprit l’entourer de clarté, cette grâce qui s’appelle le vêtement et la pourpre royale ; ou plutôt c’est le Christ lui-même, s’il est vrai que ceux qui croient en Lui revêtent le Christ (cf. Rom 13, 14).
Celui qui s’est enrichi de la richesse céleste, je veux dire la présence et l’inhabitation de Celui qui a dit : « Moi et mon Père nous viendrons et nous ferons en lui notre demeure » (Jn 14, 23), celui-là sait, de la connaissance de l’âme, la grandeur de la grâce qu’il a reçue ainsi que la grandeur et la beauté du trésor qu’il porte dans le château du cœur. Comme un ami conversant avec un ami, il se tient près de Dieu, tout confiant en présence de Celui qui habite dans la lumière inaccessible (1 Tim 6, 16).
Heureux qui croit à cela! Trois fois heureux celui qui s’efforce par la pratique et les saints combats d’acquérir la connaissance de ce que nous avons dit ; c’est un ange, pour ne pas dire plus, celui qui par la contemplation et la connaissance est parvenu à la hauteur de cet état ; il est près de Dieu, comme fils de Dieu.

Dieu se laisse contempler selon les capacités et les dispositions de son fidèle
Placé sur le rivage de la mer, l’homme voit l’océan infini des eaux ; il ne peut cependant en saisir la fin et n’en aperçoit qu’une partie. Ainsi celui qui a été jugé digne de fixer son regard par la contemplation sur l’océan infini de la gloire de Dieu et de l’apercevoir intelligiblement ne le voit pas aussi grand qu’il est mais aussi grand que cela est possible aux yeux intérieurs de l’âme qui voit.
Celui qui est au bord de la mer, non content de la regarder, peut entrer dans ses flots autant qu’il veut. Ainsi ceux des spirituels qui le veulent peuvent entrer en communication avec la lumière de Dieu dans la contemplation dans la mesure où l’élan du désir et la connaissance les y poussent.

Un paradoxe : le progrès  dans la connaissance divine se traduit par une certaine ignorance
Sur le bord de la mer, tant qu’on reste hors de l’eau, on aperçoit toute l’étendue et on embrasse l’océan d’un coup d’œil ; mais dès que l’on commence à entrer dans l’eau et que l’on s’y enfonce, à mesure que l’on descend on perd la vue de ce qui est en dehors. Ainsi ceux qui ont part à la lumière de Dieu, à mesure qu’ils progressent dans la connaissance divine, tombent plutôt en proportion dans l’ignorance.
Celui qui est dans l’eau jusqu’aux genoux ou jusqu’à mi-corps voit très bien ce qui est hors de l’eau mais s’il plonge au fond et passe tout entier sous l’eau, il ne peut plus rien voir de ce qui est hors des eaux et il ne sait plus qu’une chose c’est qu’il est tout entier dans la profondeur de la mer. Voilà ce qui arrive à ceux qui progressent dans la voie spirituelle et entrent dans la perfection de la connaissance et de la contemplation.

Plus on s’approche de Dieu, plus on saisit ce qui nous en sépare
Lorsque ceux qui avancent vers la perfection spirituelle sont illuminés en partie c’est-à-dire reçoivent un éclair de lumière seulement dans l’intelligence, alors ils voient intelligiblement comme en un miroir la gloire du Seigneur ; la grâce d’en haut leur enseigne en secret la connaissance de la science et la révélation des mystères en les conduisant de la contemplation des êtres à la connaissance de Celui qui est au-dessus des êtres.

Ceux qui approchent de la perfection et ne la voient encore que comme en partie sont effrayés en comprenant l’impossibilité d’atteindre et de saisir ce qu’ils voient ; dans la mesure en effet où ils pénètrent dans la lumière de la connaissance, ils acquièrent la science de leur ignorance. Lorsque ce qui leur apparaît d’abord d’une manière assez obscure et se montre comme dans un miroir (1 Cor 13, 12), illuminant en partie l’objet saisi par leur intelligence, daignera ensuite se faire voir plus pleinement et s’unir par communication au sujet illuminé, en le renfermant tout entier en lui-même, lorsque ce sujet, tout entier dans la profondeur de l’Esprit, est comme déposé au milieu d’un abîme d’eaux lumineuses infinies, alors il s’élève ineffablement dans l’ignorance absolue comme au-dessus de toute connaissance.

Syméon le Nouveau Théologien
 Cet article est paru en décembre 2006  dans le numéro 343 du Bulletin de la Crypte
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