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Saint Grégoire Palamas

Moines comme laïcs,
tous les chrétiens doivent prier continuellement

Dans la dernière homélie qu’il a prononcée à la crypte, Monseigneur Gabriel a insisté sur la similitude de vocation entre moines et laïcs. Le texte suivant, que l’on trouve en annexe de la Philocalie, illustre ces propos. Il montre que l’activité la plus haute proposée aux moines : la prière hésychaste est  possible et même très souhaitable pour les laïcs aussi. Derrière l’aspect surtout exhortatif du texte on trouve des éclairages précis sur l’anthropologie chrétienne. La prière qui est appelée ici « prière intellectuelle » ou « prière de l’intelligence » car elle est l’activité de la « puissance intellective » l’âme (le « nous » en grec) qui n’est pas seulement l’intelligence mentale mais la faculté contemplative. Cette intelligence doit hiérarchiser les autres puissances de l’âme comme aussi les facultés corporelles. Cela implique (ce que le texte ne souligne peut-être pas assez) qu’une vie chrétienne fervente et stricte est indispensable pour pratiquer cette prière avec profit et sans danger. Le dernier ouvrage de Monseigneur Kallistos (Ware) donne bien des éclairages sur ce dernier aspect [« Tout ce qui vit est saint », éditions « Le sel de la terre »]

Michel Feuillebois

Qu’on n’aille pas penser, frères chrétiens, que seuls les prêtres et les moines ont le devoir de prier continuellement, et non les laïcs. Non, non. Tous les chrétiens ont en commun le devoir de se trouver toujours en prière.

Histoire du vieillard Job
Le Patriarche de Constantinople Philothée écrit dans la vie de saint Grégoire de Thessalonique (Palamas), que celui-ci avait un ami bien-aimé nommé Job, un homme très simple, très vertueux. Un jour que le saint était en conversation avec lui, il lui parla de la prière, il lui dit que tout chrétien devait simplement toujours s’efforcer de prier, et prier continuellement, comme l’ordonne l’apôtre Paul à tous: « Priez continuellement » (1 Thess. 5, 17), et comme le dit le prophète David, bien qu’il fût roi et eût tous les soucis de son royaume: « J’ai toujours le Seigneur devant moi » (Ps. 15(16), 8), c’est-à-dire : par la prière, dans mon intelligence, je vois toujours le Seigneur devant moi. De même, Grégoire le Théologien enseigne à tous les chrétiens qu’il nous faut, dans la prière, nous souvenir du nom de Dieu plus souvent que nous prenons notre respiration.
Le saint disait donc ces choses, et d’autres encore, à son ami Job. Et il et lui ajoutait qu’il nous fallait obéir aux recommandations des saints, et que non  seulement nous devions prier nous-mêmes continuellement, mais que nous devions aussi enseigner les autres, les moines et les laïcs, les sages et les ignorants, les hommes comme les femmes et les enfants, et les exhorter à prier toujours. La chose parut nouvelle au vieillard Job, et il se mit à contester. Il dit au saint que la prière continuelle est le seul fait des ascètes et des moines qui vivent en dehors du monde et de ses distractions, mais qu’il est impossible que prient toujours ceux qui sont dans le monde et ont tant de soucis et de travaux. Le saint lui donna encore d’autres témoignages, d’autres preuves irréfutables. Mais le vieillard Job ne se laissa pas persuader. Alors le divin Grégoire, fuyant le bavardage et la discussion, se tut. Et chacun rentra dans sa cellule. Plus tard, quand Job priait seul dans sa cellule, un ange du Seigneur lui apparut, envoyé de Dieu qui veut le salut de tous les hommes. L’ange lui reprocha d’avoir contesté ce que lui disait saint Grégoire et de s’être opposé à lui sur des choses dont il est évident qu’elles sont la source du salut des chrétiens. Il lui ordonna au nom du Dieu saint d’être attentif désormais et de se garder de rien dire contre une telle œuvre si utile à l’âme, car il s’opposerait à la volonté de Dieu. Il lui interdit donc d’accepter en lui désormais une pensée contraire, et il lui demanda de considérer les choses conformément à ce que lui avait dit le divin Grégoire. Alors le vieillard Job, cet homme simple, alla aussitôt voir le saint. Il tomba à ses pieds et lui demanda pardon de s’être opposé à lui et d’avoir contesté ses paroles. Et il lui révéla ce que l’ange du Seigneur lui avait dit.

Tous les chrétiens ont en commun le devoir de prier continuellement
Voyez-vous, frères, que tous les chrétiens, du plus petit jusqu’au plus grand, ont tous en commun le devoir de prier continuellement, de dire la prière intellectuelle« Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi », et d’accoutumer leur intelligenceet leur coeur à la dire toujours ? Considérez-vous combien cette prière plaît à Dieu et quel avantage elle nous donne, dès lors que, dans son extrême miséricorde, il a envoyé un ange céleste pour nous le révéler, pour que nous n’ayons plus là-dessus aucun doute ? Mais que disent les hommes qui vivent dans le monde ?  « Nous sommes au milieu de tant d’affaires et de soucis. Comment est-il possible de prier continuellement  ? ».  Je leur réponds : « Dieu ne nous a rien demandé d’impossible. Il ne nous a ordonné que ce qu’il était en notre pouvoir de faire. Tout hommequi, en s’en donnant la peine, cherche le salut de son âme est capable de parvenir à la prière continuelle. Car si la chose était impossible, elle le serait pour tous les laïcs, et il ne se trouverait pas tant d’hommes dans le monde pour y parvenir. »

La vie du père de saint Grégoire
Le père de saint Grégoire en est un exemple entre bien d’autres. Cet homme admirable, nommé Constantin, travaillait dans le palais même du roi. On l’appelait le père et le maître du roi Andronique. Il s’occupait, chaque jour des affaires royales, sans parler des affaires de sa propre maison, car il était très riche, avait de nombreux domaines, des serviteurs, sa femme et ses enfants. Malgré tout, il ne se séparait jamais de Dieu. Il était si adonné à la prière intellectuellecontinue qu’il en oubliait souvent ce que lui disaient le roi et les ministres du palais à propos des affaires du royaume, qu’il devait les interroger plusieurs fois sur les mêmes affaires. Il arrivait que les autres ministres, quand ils ignoraient la cause, en étaient contrariés et lui reprochaient d’oublier si vite et de troubler le roi en répétant ses questions. Mais le roi, qui savait la cause, le défendait et disait: « Constantin, l’heureux homme, a ses propres pensées. Et elles l’empêchent d’être attentif aux affaires provisoires et vaines dont nous parlons. Mais son intelligenceest attachée à ce qui est vrai, aux choses du ciel. Et il oublie les choses terrestres. Car toute son attention est dans la prière et tournée vers Dieu. »

La prière continue est à la portée de tout chrétien
Frères chrétiens, je vous en prie donc avec le divin Chrysostome, pour le salut de vos âmes, ne négligez pas cette oeuvre de la prière. Imitez ceux dont nous avons parlé. Et autant que possible, suivez-les. Si la chose vous paraît difficile au début, soyez sûrs et certains, comme venant de Dieu lui- même qui domine l’univers, que le propre nom de notre Seigneur Jésus Christ, invoqué par nous chaque jour et continuellement, aplanira toutes nos difficultés, et qu’avec le temps, quand nous nous serons accoutumés à ce nom, quand nous aurons été comblés de douceur en lui, nous saurons d’expérience que son invocation continuelle n’est ni impossible ni difficile, mais possible et aisée. C’est pourquoi le divin Paul qui, mieux que nous, savait le grand bien que nous fait la prière, nous exhorte à prier continuellement. (cf. 1 Thess. 5,17.)
Or il n’a pas voulu nous recommander une chose difficile et impossible, que nous ne pourrions pas faire; nous aurions alors nécessairement désobéi, nous aurions transgressé son ordre, et par là même nous aurions été condamnés. Mais le but de l’apôtre en disant « Priez continuellement » était que nous priions avec notre intelligence; ce qu’il nous est toujours possible de faire. Quand nous travaillons de nos mains, quand nous marchons, quand nous nous asseyons, quand nous mangeons, quand nous buvons, nous pouvons toujours prier avec notre intelligence et porter en nous une prière intellectuelle qui soit vraie et plaise à Dieu. Nous pouvons travailler avec le corps et prier avec l’âme. L’homme extérieur peut accomplir toutes les tâches corporelles, et l’homme intérieur être entièrement consacré à l’adoration de Dieu, toujours porter cette oeuvre spirituelle de la prière de l’intelligence. C’est ce que nous demande Jésus, le Dieu Homme, quand il dit dans le saint Evangile : « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme la porte sur toi et prie ton Père qui est dans le secret » (Matth. 6,6).

Les rapports entre l’âme et le corps
La chambre de l’âme est le corps. Les portes de notre être sont les cinq sens. L’âme entre dans sa chambre quand l’intelligencecesse d’aller et venir dans les choses du monde, mais se trouve au milieu de notre coeur. Et les sens demeurent fermés, quand nous ne les laissons pas s’attacher aux choses sensibles et visibles. Ainsi notre intelligenceest libérée de toute activité du monde. Par la prière intellectuellesecrète, elle s’unit à Dieu son Père. Le Christ dit alors: « Ton Père qui est dans le secret te donnera clairement ta récompense » (Matth. 6,6). Dieu, qui connaît le secret des coeurs, voit ta prière intellectuelle, et il la récompense en te donnant de grands charismes visibles.
Car cette prière intellectuelleest la vraie prière, la prière parfaite. Elle emplit l’âme de grâce divine et de charismes de l’Esprit, comme le parfum dont l’odeur, dans le vase, est d’autant plus forte que tu l’y as enfermé. Ainsi de la prière. Plus tu l’enfermes dans ton coeur, plus elle comble le coeur de grâce divine. Bienheureux ceux qui s’adonnent à cette oeuvre céleste. Car par elle ils surmontent toutes les tentations des démons malins, comme David a vaincu l’orgueilleux Goliath (cf. 1 Sam. 17,51) par elle ils éteignent les désirs désordonnés de la chair, comme les trois enfants ont éteint la flamme de la fournaise (cf. Dan. 3, 24-25),   par elle ils apaisent les passions, comme Daniel calma les lions sauvages (cf. Dan. 6, 18-19) ; par elle ils font descendre la rosée du Saint-Esprit dans les coeurs, comme Elie fit descendre la pluie sur le Carmel (cf. IRois 18,45). C’est cette prière intellectuellequi monte jusqu’au trône de Dieu, et est gardée dans des coupes d’or, d’où s’élève son parfum vers le Seigneur, comme dit Jean le Théologien dans l’Apocalypse: « Les vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l’Agneau avec leurs cithares et des coupes d’or pleines de parfum, qui sont les prières des saints » (Apoc. 5,8)..“ Cette prière intellectuelleest une lumière qui éclaire toujours l’âme de l’homme et allume son coeur aux flammes  de  l’amour  de  Dieu. Elle  est  une  chaîne qui joint et unit Dieu et l’homme.

in La Philocalie,
traduction de J. TOURAILLE,
éditions DESCLEE DE BROUWER – J.C. LATTES
Tome 2, pages 831-835.

Publié en novembre dans le numéro 337 du Bulletin de la Crypte

 

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