Chaque Église Autocéphale se gouverne elle-même et administre
ce qui lui est propre par l'intermédiaire de son Saint Synode, sans
aucune intervention extérieure ; quant à la possible intervention
du Patriarcat Œcuménique elle se limite à des circonstances
exceptionnelles, dès lors que celles-ci ne permettent pas à une
Église de bénéficier du concours de son propre Synode, tout
comme ce fut le cas récemment pour l'Église Orthodoxe Autocéphale
d'Albanie et l'Église Orthodoxe Autonome d'Estonie et il en est de même
lorsqu'à l'intérieur d'une Église naissent des problèmes
internes qui exigent, pour les résoudre, la convocation d'un Synode
majeur, comme ce fut le cas en Bulgarie. Dans tous ces cas, l'intervention
se fait avec la plus grande attention et uniquement autant qu'il convient
pour que puisse se constituer le Synode responsable local ou que soit solutionné le
problème qui a provoqué cette intervention, et ce en n'oubliant
jamais les propres recommandations du Seigneur : « Vous savez que
ceux qu'on regarde comme les chefs des nations les tyrannisent, et que
les grands les dominent ». (Marc 10/ 42-43 )
2. Le Patriarche Œcuménique, « premier
parmi les égaux »
Le Patriarcat Œcuménique n'est
pas une superpuissance administrative au sein des Églises Orthodoxes. Le
Patriarche Œcuménique est,
comme il est dit, le « premier parmi les égaux » des
Primats des Églises Autocéphales et des Patriarcats et il remplit
un rôle de coordination, mais il ne décide pas lui tout seul
sur le fond. Eu égard à la situation historique que traversent à tous
moments les Églises Orthodoxes locales, il ne juge pas opportun - puisqu'il
lui revient le droit de la décision - de convoquer sans raison des
Conciles Panorthodoxes pour traiter de tous les cas qui peuvent surgir,
surtout quant ils n'ont rien de commun avec les choses ecclésiastiques.
Ceci parce qu'il y a le risque de deux dangers. Le danger de l'immixtion
des Églises Orthodoxes dans la politique, ce qui les détourne de
leur mission chrétienne, et le danger de leur division en divers
groupes pour des questions non pas dogmatiques mais politiques. L'histoire
rapporte de nombreuses circonstances où des chefs politiques ont
causé des schismes ecclésiastiques en vue de satisfaire leurs
propres buts politiques. Par conséquent nous ne devons pas retomber
dans les erreurs du passé et servir les desseins de ceux qui, dans
leurs incontournables affrontements politiques cherchent à ajouter
des schismes ecclésiastiques afin de couvrir leurs propres lacunes
politiques. Mais il existe aussi, du point-de-vue purement ecclésiastique,
de nombreuses questions qui suscitent des opinions diverses, sans que cela
ne vienne à briser l'unité des Églises Orthodoxes. Il n'est
pas sage de recourir à des décisions conciliaires pour imposer
l'une d'entre elles, parce que, si cela n'aboutit à rien, nous risquerions
de provoquer de nouveaux schismes. Concernant ces questions, qui ne relèvent
pas du Dogme, chaque Église Autocéphale choisit la réponse
qui convient par l'intermédiaire de son Synode local. Ceci est tout-à-fait
conforme à la structure administrative de l'Église Orthodoxe, Une,
Sainte, Catholique et Apostolique, laquelle, depuis les premiers siècles
jusqu'à nos jours, a réuni un grand nombre de Conciles locaux
et un petit nombre de Conciles Œcuméniques. Bien plus, certains
Conciles dits Œcuméniques qui furent convoqués à la
sauvette pour satisfaire des objectifs purement humains, ont vu l'annulation
de leurs décisions tandis qu'au contraire il en résultait
de nombreux maux au détriment de l'unité des Églises.
Par
conséquent, le Patriarcat Œcuménique ne désire
pas imiter le modèle du Christianisme Occidental, lequel a donné à la
tête de l'Église un statut d'état et un pouvoir d'état.
Cette manière de faire est non conforme à la Tradition et
au mode d'existence de l'Orthodoxie ainsi qu'à l'exigence de l'annonce
de l'Evangile.
3. De la « mission œcuménique » du
Patriarcat de Constantinople.
L'affirmation présentée par
la Presse écrite selon
laquelle le Patriarcat Œcuménique se proclame de lui-même
comme l'autorité suprême de tout le monde chrétien
est absolument fausse et démontre l'ignorance de ceux qui traitent
de ce sujet : d'une part le Patriarche Œcuménique est le « premier
parmi les égaux » de tout l'Episcopat qui relève uniquement
de l'Église Orthodoxe ; d'autre part il ne jouit pas d'un pouvoir administratif
comme c'est le cas du Chef de l'Église d'Occident.
Son action consiste
avant tout à coordonner et à manifester l'unité des
Églises Orthodoxes ; il lui revient aussi certains privilèges de
caractère spirituel ou de suppléance chaque fois que les
autres Églises Orthodoxes n'ont pas la capacité de choisir ou de
mettre en place leurs propres organes ecclésiastiques pour cause
de persécutions, de manque de personnes adéquates ou pour
d'autres raisons.
Revue «PLEROPHORIA » - Athènes Mai / Août
1999; pp. 3-6