I. Nous, participants à la Conférence Paix et Tolérance
II : Dialogue et Entente mutuelle en Europe de l’Est, dans le Caucase
et en Asie Centrale, parraînée conjointement par le Patriarcat
Œcuménique
et la Fondation « Appeal of Conscience », souhaitons exprimer
nos remerciements au Gouvernement Turc et au Professeur Dr. Ali Bardakoghlu,
Président
du Bureau des Affaires Religieuses, pour leur précieuse contribution
et leur coopération, lors notre assemblée qui a mis l’accent
sur le message vital de paix et de tolérance que nous voulons transmettre
aux pays de ces trois régions.
La Conférence souhaite prendre en considération
les préoccupations
exprimées par le Président George W. Bush, par le Secrétaire
Général des Nations-Unies, Kofi Annan, par Sa Sainteté le
Pape Benoît
XVI, par le Président de la Commission européenne, Jose Manuel
Baroso, par le Secrétaire Général de la « World
Islamic Call Society », Dr. Mohamed Ahmed Sherif, par le Directeur
Général
de l’Unesco,
Koishuro Matsura, par Son Excellence Mme Marietta Giannakou, Ministre de
l’Education
et des Affaires religieuses de la République Hellénique et
par de nombreux chefs religieux et dirigeants politiques qui ont envoyé un
message de soutien.
Nous nous réjouissons de la récente initiative prise
par le Secrétaire Général des Nations-Unies concernant
la création de
l’Alliance des Civilisations. Nous recommandons que l’Alliance
soit renforcée
par le dialogue inter-religieux, qu’elle entame des consultations
et un processus de coopération avec des dirigeants politiques et
des chefs religieux au niveau national afin d’examiner et de suggérer
au Secrétaire
Général des mesures visant à remédier aux actes
de violence religieuse et ethnique.
II. La Conférence a poursuivi
les délibérations
sur la paix et la tolérance initiées à Berne en 1992
et reprises ici en 1994. Malheureusement, bien que les conflits sanglants
qui faisaient rage à cette époque
aient cessé, la méfiance, la suspicion et les menaces perdurent
et des actes de violence sporadiques se manifestent encore aujourd’hui
dans les régions
concernées. En qualité de chefs religieux de nos pays respectifs,
notre objectif est d’enrayer ces dangereux processus, de soulager
des souvenirs douloureux et d’inciter toutes les personnes concernées à agir
dans un esprit de « vivre et laisser vivre ».
En tant que chefs spirituels
des enfants d’Abraham, il nous incombe
d’apaiser les tensions ethniques et religieuses. Dans cet esprit,
nous appelons les chefs de toutes les confessions à prêcher,
enseigner et pratiquer l’amour, la tolérance et la compréhension
mutuelle ainsi que celle de la foi de chacun et des communautés
ethniques dans leurs mosquées, leurs églises et leurs synagogues,
dans leurs familles, leurs écoles et leurs séminaires. Nous
devons en outre assumer la responsabilité de
la promotion de l’éducation et de
l’encouragement parmi tous les membres de nos communautés,
femmes et hommes, jeunes et moins jeunes, en les exhortant à déployer
des efforts afin de s’assurer que les blessures et les conflits du
passé ne
se reproduiront plus à l’avenir.
Récemment, l’Europe du Sud-Est a connu des évolutions
positives et déterminantes vers le dialogue, la réconciliation
et la coopération.
Nous prenons note de la multiplication d’activités majeures
et permanentes menées par les Nations-Unies et l’OSCE dans
le Sud-Est de l’Europe et nous nous réjouissons des progrés
constatés.
Toutefois, de graves problèmes subsistent en matière de protection
des droits religieux et ethniques et de tolérance. Des crimes continuent
d’être
commis au nom de la religion. Nous persistons à proclamer avec force
que de tels actes doivent cesser. Selon la formule figurant dans la Déclaration « Appeal
of Conscience » signée en 1992, à Berne (Suisse), « un
crime commis au nom de la religion est un crime contre la religion ».
Nous déplorons
que certains prêchent la violence contre d’autres
confessions et d’autres communautés ethniques. Croyant à la
valeur sacrée de la vie humaine,nous nous opposons fermement à ceux
qui violent et bafouent les valeurs humaines fondamentales. Nous rejetons
catégoriquement
toute action qui porte atteinte aux principes mêmes
de notre foi en utilisant des interprétations fallacieuses et un
nationalisme intempérant. De plus, nous réfutons formellement
toute assertion invoquant Dieu pour justifier un acte perpétré lors
d’un
conflit armé. Une telle justification ne peut conduire à la
paix. Nous demandons l’instauration
de l’état de droit au regard des droits
humains
fondamentaux dans tous les pays représentés à cette
conférence et nous encourageons vivement toutes les personnes concernées à apporter
l’aide requise aux réfugiés, aux populations déplacées à l’intérieur
d’un pays et à
assurer la protection active des minorités.
Le fléau du terrorisme
international qui profane les principes moraux de nos religions monothéistes,
s’est intensifié depuis
1994. Nous fustigeons ceux qui, tels des assassins sans foi ni loi, commettent
ces crimes odieux et engageons les chefs religieux à les condamner
sans détours.
Il est crucial de se souvenir et de rappeler avec insistance à tous
les fidèles que les Ecritures de toutes les religions monothéistes
considèrent la paix comme une valeur suprême et une vocation.
Comme nous l’avons
dit en 1994 « Les voies du Seigneur sont les voies de la paix », « Bénis
soient les pacificateurs, car ils seront appelés enfants de Dieu », « Allah
fait appel à la demeure de la paix ».
III. Nous appelons tous
les chefs religieux de l’Europe du Sud-Est, du Caucase et de l’Asie
Centrale à soutenir sans réserves
tous les dialogues inter-religieux pour la paix, la justice et les droits
de l’homme
et nous les encourageons vivement à participer à un dialogue
ouvert et sincère.
Nous rejetons la violence et condamnons catégoriquement
et inconditionnellement l’utilisation de la force, les épurations
ethniques et
toutes les formes d’agression. Nous réclamons que l’on
sauvegarde et protège les édifices et monuments religieux,
conformément à la
Résolution A/RES/55/254 des Nations-Unies, relative à la
Protection des Sites religieux, adoptée à l’unanimité par
l’Assemblée
Générale. Nous demandons la nomination d’un représentant
chargé spécifiquement
de veiller au respect de ladite résolution.
Nous comprenons et déplorons
les souffrances inhumaines d’innocents, victimes des séquelles
d’un conflit violent et nous connaissons
le drame vécu par des fidèles aspirant à la paix persécutés à cause
de leur foi ; toutefois, nous insistons particulièrement sur le
sort tragique d’enfants innocents, des personnes âgées
et des invalides, victimes sans défense des conflits. Par conséquent,
nous engageons les communautés religieuses à apporter leurs
soins et leur aide aux enfants en souffrance, aux malades et aux personnes âgées,
quelle que soit leur confession afin de les assister dans leur recherche
de remèdes spirituels, psychologiques et physiques. IV. Nous, participants à la
Conférence, reconnaissons
que de nombreux progrès ont été accomplis depuis 1994.
Le nombre de conflits a beau avoir diminué, les tensions subsistent,
attisées par une
rhétorique débridée génératrice de brutalité.
Nous rejetons résolument la pratique de discours susceptibles d’inciter à la
violence. Nous encourageons les chefs religieux à coopérer
avec les dirigeants politiques dans leurs pays respectifs afin de promouvoir
la paix, la justice, les droits humains et religieux.
V. Les participants à la
Conférence sur la Paix
et la Tolérance ont unanimement réaffirmé les termes
du précédent
accord conclu en 1994,
lors de la première Conférence Paix et Tolérance,
accord qui condamnait les massacres insensés et demandait que l’on
y mette fin. Nous sommes convaincus que les auteurs de ces actes abominables
sont des criminels ; nous exécrons ceux qui menacent de violences,
de massacres, de viols et de mutilations et a fortiori ceux qui les commettent ; nous déplorons
que certains détruisent des édifices religieux, des lieux
saints et des monuments ; nous rejetons la guerre et les conflits armés
et prions pour la réconciliation, la coexistence et la paix ; nous
exigeons qu’aucun
acte hostile ne soit perpétré à l’encontre de
groupe ou de région pacifique au nom de la foi religieuse ; nous
prions pour que des dialogues constructifs se poursuivent, pour résoudre
des questions majeures qui se posent entre les différentes confessions ; nous affirmons le droit de chacun à pratiquer sa religion dans
la liberté et la dignité.
VI. Nous exprimons
humblement notre gratitude envers Dieu pour nous avoir accordé la
possibilité de réaffirmer notre engagement à délibérer
entre nous pour la promotion de la paix, de la justice et de la dignité humaine.
Le 9 novembre 2005
Le Patriarche Œcuménique Bartholomée Ier
Rabbi Arthur Schneier, Président de la Fondation Appeal of Conscience
Sheikhul-Islam Allahshukur Pashazadeh,
Président du Conseil des
Musulmans du Caucase