Éditorial de juin 2006

Les fruits de l’Esprit  
          

À peine sortis du temps pascal avec la fête de l’Ascension, où retentissent encore dans nos oreilles et se chantent sur nos lèvres les chants de Pâques et l’annonce de la Résurrection que nous sommes irrésistiblement entraînés par la puissance d’attraction de l’Ascension et le souffle embrasé de la Pentecôte dans cette antichambre du Royaume qu’est l’Église.

Mais en réalité, la Résurrection et l’Ascension du Seigneur ne constituent qu’un seul et unique mystère, car ils sont tous deux des moments d’une dynamique unique d’exaltation, de montée du Seigneur des profondeurs infernales jusqu’au ciel où Il est désormais assis à la Droite du Père.

L’étape terrestre des 40 jours de cette montée, ou de ce retour vers le Père embrasse et illumine toute l’histoire humaine. Car ce retour du Fils n’est pas le dernier mot de l’amour divin.

Paradoxalement, c’est avec joie que les apôtres s’en retournent à Jérusalem après l’Ascension du Maître. Élevé auprès du Père, le Fils éternel, revêtu de notre humanité et marqué des stigmates indélébiles de la Passion, c’est-à-dire des signes de l’Amour infini de Dieu, accomplit la promesse donnée à ses disciples : "Il vaut mieux pour vous que Je M’en aille ; car si Je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous, mais si Je M’en vais, Je vous L’enverrai" (Jn16,7).

Ainsi, la Pentecôte est l’accomplissement de la promesse et l’achèvement de l’œuvre du salut.

À la Résurrection la pierre était roulée du tombeau. À la Pentecôte les cieux s’ouvrent, les sources d’eau vive se désobstruent et les flots de l’Esprit se déversent en abondance sur la terre assoiffée et sèche.

À notre tour nous sommes entraînés dans le mouvement ascensionnel du Christ : "Élevons nos cœurs" (c’est-à-dire élevons notre être intérieur le plus profond et intime, ce cœur appelé à être le trône de Dieu, plus vaste donc que les cieux). "Nous les avons vers le Seigneur" (c’est-à-dire nous les élevons vers le Seigneur), chantons-nous à chaque liturgie. Ainsi dans la liturgie les fidèles déclarent avoir leurs cœurs là où est le Christ, assis à la Droite du Père. C’est bien à la liturgie céleste, unique et éternelle que nous participons, c’est aussi le ciel tout entier qui s’abaisse jusqu’à nous avec toute la multitude des anges et des saints de tous les siècles qui nous enveloppent de toutes parts, qui nous entraînent dans notre humanité et notre temporalité transfigurées. C’est le temps tout entier qui est sanctifié et qui reçoit une résonance et une valeur d’éternité.

Dans le temps de l’Église, c’est-à-dire dans le temps de la Pentecôte permanente de l’Esprit, la terre de nos cœurs est irriguée par les flots de sanctification et de vie. La barrière de séparation entre le ciel et la terre est abolie, désormais la sainteté est le programme commun et unique de tous les enfants de Dieu. Les saints sont parmi nous. Tous, revêtus de la robe baptismale, nous sommes en marche vers le banquet nuptial du Royaume dont la table eucharistique est l’avant-goût.

Certes, les signes et les modalités de la sainteté sont variés et multiples, car l’Esprit de Dieu marque de son sceau indélébile chaque personne humaine, unique dans le regard de Dieu.

Rappelons donc pour terminer que le travail d’engendrement et de maturation de l’Esprit dans nos cœurs et dans notre vie entière tend à produire des fruits et des dons multiples, car la grâce de Dieu agit en abondance. "Les fruits de l’Esprit, nous dit St Paul, sont amour, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi (….) Puisque l’Esprit est notre vie, que l’Esprit nous fasse aussi agir" (Gal 5,22-25)

Père Boris

Bulletin de la Crypte N° 344 juin 2006