Saint Michel

Page d'Accueil

Ça s'est passé hier...

Ces jours-ci en
Ile de France

Prochains
Offices

Communauté
paroissiale

Textes et
Documents

Liens

Éditorial de mai 2006

La foi Pascale

En ces journées qui suivent Pâques, on revient sans cesse, malgré soi, à cette question : si dans cette étonnante affirmation Le Christ est ressuscité ! réside l'essence, la signification profonde de la foi chrétienne, si, selon l'apôtre Paul, « notre foi est vaine » sans la résurrection du Christ, alors que signifie cette proclamation pour notre vie, pour ma vie ici et maintenant. On vient de célébrer encore une fois Pâques. Il y a eu encore une fois cette nuit merveilleuse, ces flammes des cierges, cette émotion toujours grandissante. De nouveau ont retenti ces paroles où exulte la joie, pendant cet office, qui est constitué, semble-t-il d'une seule hymne d'allégresse : « Aujourd'hui tout est inondé de lumière, le ciel et la terre, et les enfers. Que toute la Création célèbre la Résurrection du Christ, car en Lui elle est confirmée ! ». Comme ces mots sont joyeux, triomphants ! Tout est réuni : le ciel, la terre, le royaume de la mort. L'univers tout entier prend part à cette victoire, trouve son sens, sa confirmation dans la résurrection du Christ.

Mais cette nuit passe, la fête est terminée : nous quittons cette lumière pour revenir dans le monde, nous descendons sur terre, nous entrons à nouveau dans notre existence réelle, quotidienne, raisonnable. Que voyons-nous ? Tout est comme par le passé, rien n'a changé, et l'on dirait que rien, absolument rien sur cette terre n'a le moindre rapport avec ce que l'on vient de chanter à l'église : « Que toute la création célèbre la Résurrection du Christ, car en Lui elle est confirmée ! »

Alors le doute s'insinue dans notre âme. Ces paroles si merveilleuses, si exaltantes, uniques sur terre, ne sont-elles pas illusoires, chimériques ? Notre cœur essaie avec avidité de s'en nourrir, mais la raison froide qui banalise tout, nous dit : tout ceci est un songe, un leurre ! Deux mille ans se sont écoulés, et où est l'efficacité, la force de ces mots ? En quoi peut se manifester leur victoire ? Les chrétiens se contentent de dire, en quelque sorte, au monde : « Laissez-nous notre dernier bien précieux, notre consolation, notre joie ! Ne nous empêchez pas d'affirmer, à l'intérieur de nos églises, toutes portes fermées, que tout l'univers est dans l'allégresse. Ne nous gênez pas, et nous ne vous empêcherons pas de construire ce monde, de le diriger et d'y vivre comme bon vous semble ».

Cependant nous savons au fond de nous-mêmes, que cette pusillanimité, ce minimalisme, ce refuge dans la fête secrète, mystérieuse sont incompatibles avec le sens et la joie véritables de Pâques. Ou bien le Christ est ressuscité ou bien II ne l'est pas. Il n'y a pas d'autre alternative ! S'il est ressuscité, - et à quoi d'autre pourraient nous renvoyer cette liesse pascale, cette nuit inondée de lumière, débordante d'un éclat triomphal ? -, si réellement à un moment unique et décisif de l'histoire, non seulement de l'humanité mais de l'univers tout entier, s'est accomplie cette victoire extraordinaire sur la mort, alors tout a véritablement changé, tout est renouvelé dans ce monde, que les gens en aient conscience ou non. Mais alors repose sur nous, croyants, qui exultons, la responsabilité de faire en sorte que les autres puissent connaître, voir, entendre cette joie, croire dans cette victoire et y entrer. Les premiers chrétiens désignaient leur foi, non par le terme religion, mais par l'expression Bonne Nouvelle, et considéraient que leur mission dans le monde était de l'annoncer, de la propager.

Ils savaient et croyaient que la résurrection du Christ n'était pas seulement l'objet de cette célébration annuelle, mais la source de la force et de la transfiguration de la vie. Ce qu'ils avaient entendu au plus secret d'eux-mêmes, ils le proclamaient à haute voix.

Mais ma raison lucide, réaliste, comme on dit aujourd'hui, rétorque : que puis-je donc faire ?

Comment puis-je l'annoncer, le clamer, en témoigner ? Je ne suis qu'un grain de sable, perdu dans la masse ! Or cette objection de la raison, du soi-disant bon sens est un leurre, peut-être même le plus terrible, le plus diabolique de tous les leurres du monde contemporain. On nous a convaincus, d'une certaine manière, que seuls le nombre, la quantité, la masse ont un sens et font autorité. Que peut faire un seul être contre tous ?
Néanmoins c'est précisément dans cette situation, face à ce mensonge, que doit se déployer dans toute sa force la profession du christianisme et sa logique unique. Le christianisme affirme qu'une personne seule peut être plus forte que toutes les autres réunies. C'est là que réside la bonne nouvelle concernant le Christ. Souvenez-vous de ces vers étonnants de Pasternak dans Le jardin de Gethsemani :

Sans résister, il s'était dépouillé,
Comme on renonce à des biens empruntés,
De Sa puissance et du don de miracle.
Il était seul et mortel comme nous.

C'est précisément là, qu'est l'image du Christ : un homme sans pouvoir, sans résistance, sans la moindre force physique.
Solitaire, délaissé, abandonné, trahi par tous, et pourtant triomphant.

Pasternak poursuit :

Vois-tu, le temps, ainsi que la Parole,
Peut s'enflammer sans arrêter son cours.
Terrible est la grandeur de la Parole,
C'est en son nom que je devrai mourir.

Je vais mourir, mais au troisième jour,
Je renaîtrai et, comme des radeaux,
Au fil de l'eau, les siècles nageront
Vers ma lumière et je les jugerai...

« La Parole peut s'enflammer sans arrêter son cours ». Dans ce vers est contenue la réponse aux doutes de la raison lucide. Si seulement nous, qui connaissons la joie pascale et avons entendu l'écho de cette victoire, qui croyons qu'elle s'est réalisée, à l'insu du monde - mais pour lui et en lui - si chacun de nous, sans penser aux nombres, aux quantités et aux masses, pouvait transmettre cette joie et cette foi, ne serait-ce encore qu'à une seule personne, et émouvoir au moins une âme ? Si cette foi et cette joie étaient présentes secrètement dans chaque conversation, fût-elle la plus insignifiante, si elles ne nous quittaient pas dans notre quotidien prétendument raisonnable, alors elles commenceraient, ici même et sur le champ, à transfigurer le monde et la vie. « Le royaume de Dieu ne vient pas comme un fait observable » (Lc 17, 20) a dit le Christ. Il vient, dans toute sa force, sa lumière et sa victoire, chaque fois que tout fidèle, que moi-même je le fais sortir de l'enceinte de l'église et que je commence à en vivre dans ma vie. Dès lors, à chaque instant tout « peut s'enflammer sans arrêter son cours. »

P. Alexandre Schmemann


Éditorial proposé par le père Boris, extrait d'un recueil des entretiens radiophoniques du P. Schmemann traduits en français et publiés par YMCA-Press en 2005. Il s'agit d'une traduction française d'entretiens ou homélies prononcés par lui sur la "Voice of America" et destinés à la Russie.

Nous recommandons particulièrement cet ouvrage.

Bulletin de la Crypte N° 343 mai 2006

Analyse d'audience

Analyse d'audience