Dans l’attente de l’Esprit
L’année liturgique, et particulièrement le temps pascal nous font vivre avec une grande intensité les étapes successives de l’Amour rédempteur du Christ Sauveur. Nous sommes avec la Mère de Jésus et le disciple que Jésus aimait au pied de la Croix, puis dans la mise au tombeau avec Joseph et Nicodème. Ensuite avec les femmes myrrophores au tombeau vide, puis au Cénacle avec les disciples, quand le Ressuscité leur apparaît toutes portes closes. Au Mont des Oliviers nous avons nous aussi les yeux rivés vers le ciel où Jésus s’est élevé dans la gloire. Enfin, nous sommes nous aussi dans la Chambre Haute, quand l’Esprit s’est divisé en langues de feu sur les disciples, les consacrant définitivement à l’apostolat et au témoignage du Ressuscité.
En ce mois de juin la vie liturgique se concentre plus particulièrement sur le temps unique entre l’Ascension (où Jésus a quitté ses disciples et où l’Esprit n’est pas encore donné) et la Pentecôte (où désormais l’Esprit soufflera dans l’Église et y déversera ses dons). Pour bien marquer la particularité de ces dix jours entre l’Ascension et la Pentecôte, les rubriques liturgiques nous enjoignent de ne pas encore chanter la prière au Saint Esprit « Roi céleste », pour bien rappeler l’importance de ce temps de l’attente. Une attente pourtant confiante et joyeuse, dont témoigne l’Évangéliste Luc qui précise que les disciples s’en retournèrent à Jérusalem « dans une grande joie « (Lc.24, 52). Quel paradoxe pourtant que cette joie des disciples lors du départ de leur Maître ! Ils se souviennent de sa promesse avant sa Passion : « Je ne vous laisserai pas orphelins, Je viendrai vers vous » (Jn 14,18).
Ainsi, cette chronologie de l’œuvre du salut a une valeur pédagogique énorme. Elle nous enseigne à nous remettre toujours à nouveau dans le mouvement de l’abaissement infini du Fils de Dieu, comme le chemin unique et incontournable vers la Résurrection et le don de l’Esprit. Elle nous enseigne à ne pas nous « installer « dans le repos du Royaume, dans la gloire de la Résurrection. L’Église vit toujours le déjà accompli une fois pour toutes de la Victoire pascale et le pas encore de celle-ci dans nos propres existences.
Il importe tout de même de rappeler que l’Esprit Saint n’est pas prisonnier de nos rubriques, que pas un seul instant Il n’abandonne son Église et que l’épiclèse eucharistique (« Envoie ton Esprit Saint sur les sains dons et sur tout ton peuple ») est la prière constante de l’Église entière qui est toujours et constamment à la fois dans l’attente de la venue de l’Esprit et est abreuvée de son eau-vive. Ainsi, les rubriques liturgiques n’interdisent certes pas d’invoquer l’Esprit, mais elles soulignent la tonalité d’attente joyeuse de ce temps unique. Précisons encore que lors de son élévation à la Droite du Père, c’est Jésus Lui-même qui invoque le Père : « Je supplierai le Père et Il vous donnera un autre Consolateur « (Jn 14,16).
Ainsi notre existence terrestre et ecclésiale est tout entière suspendue entre deux abîmes : celui de la Descente du Christ aux enfers, où la victoire pascale est déjà accomplie, bien que le monde ne le sache pas encore, et celui de l’Ascension au ciel où, assis à sa Droite, Jésus invoque le Père, là aussi au-delà de toute parole ou compréhension humaine. Entre ces deux abîmes est porté et maintenu dans l’être et le bien-être le monde dans les Mains du Père que sont le Christ et l’Esprit, « ce monde que Dieu a tant aimé. »
Père Boris
Bulletin de la Crypte N° 334 juin 2005