Quarante jours pour réussir
Nous entrons début mars dans le grand carême pascal, ce temps béni entre tous pendant lequel peut se préparer en profondeur et en silence le « grand retournement » de nos vies dans la passion du Christ. Parce ce que le carême met nos existences en perspective avec ce qui est ultime, il nous engage dans une pratique qui déborde la sphère de la piété individuelle, et même celle de nos églises, pour concerner la société toute entière, et l’avenir de notre monde. C’est ce que nous invite à méditer le père Jean-Robert Armogathe dans un texte que nous avons souhaité reproduire ici. Le carême est universel. Il nous offre quarante jours pour réussir. C’est très court. Mais à Dieu rien n’est impossible.
Père Boris et Père Alexis
Le carême qui débute aujourd'hui est un temps fort dans la vie des catholiques. Ils vont se préparer à vivre la semaine sainte de la Passion, de la mort et de la résurrection de l'Homme-Dieu. Mais le carême ne s'adresse pas seulement à eux: tous ceux qui croient que le Christ est Fils de Dieu, tous ceux qui portent le nom de chrétiens, sont appelés, à partager cette attente et cette espérance. Plus largement encore, le chemin qui s'ouvre aujourd'hui est offert à toute personne de bonne volonté. Cet appel, aujourd'hui surtout, mérite d'être entendu.
De quoi s'agit-il? Il nous est offert de passer ces cinq prochaines semaines de manière radicalement neuve. Le christianisme propose de prendre du temps pour partager, pour pardonner, pour prier. Jour après jour, les chrétiens invitent le monde, à dépasser l'égoïsme et l'affairisme. Ces cinq semaines sont un don de Dieu, les chrétiens ont pour mission d'en être les relais.
Le monde dérape, dans des engrenages incontrôlés : guerres, famines, épidémies. La trilogie funeste des anciens mondes semble retrouver une terrifiante actualité. La peur, la misère, les maladies semblent échapper à tout contrôle humain. Une contagion de mort parcourt la planète. Les institutions sont impuissantes, les théories sont stériles, les experts bavardent et les sages se taisent. Mais nous croyons pourtant que la réponse se trouve, en premier lieu, dans le coeur de l'homme.
C'est pourquoi la proposition du carême n'a rien de dérisoire. Elle est une chance à saisir. Il ne s'agit pas seulement ici d'une pratique cultuelle particulière. Ou plutôt cette pratique du christianisme possède une vocation universelle. Le carême n'est pas le comportement privé d'une poignée de fidèles. Par un milliard de chrétiens, la planète est tout entière appelée à se convertir. Les distinctions entre la pratique privée de la religion et le culte public sont oiseuses. Le message de l'Évangile ne doit pas rester sous le boisseau: il est par nature destiné à être annoncé, prêché, vécu, en famille comme dans la cité. C'est pour l'avoir négligé que le monde erre dans les brumes. L'oubli de Dieu entraîne la ruine du monde. L'occasion est donnée, par ce carême, de ressaisir le sens de la paix entre les hommes, que procure l'amour de Dieu. Quarante jours nous sont donnés pour réussir à aimer.
Père Jean-Robert Armogathe
Bulletin de la Crypte N° 331 mars 2005