Contraints par l'Amour

Voici que de nouveau le Fils de l'homme monte à Jérusalem pour y subir la Passion salutaire. Alors, les disciples Le suivaient « profondément attristés » (Mt.17,23), car « ils ne comprenaient pas cette parole » (Mc.9,32), car « elle était voilée pour eux, afin qu'ils n'en aient pas le sens » (Lc.9,45). Lorsque le Ressuscité jettera « le Feu sur la terre » (Lc.12,49), l'Esprit Saint embrasera les cœurs, illuminera les intelligences, rappellera tout ce qu'avait dit Jésus, initiera les amis de l'Epoux aux mystères ineffables du Royaume.

Où en sommes nous, ses disciples et amis du XXIe siècle, nous qui avons été revêtus du Christ et oints de l'Esprit au baptême, nous qui mangeons et buvons à la Table du Maître et qui sommes initiés aux mystères du Royaume trinitaire ? Avons-nous véritablement la connaissance, nous dont l'esprit est constamment ensommeillé et alourdi, à l'instar des disciples au Jardin de l'Agonie ?

Mais l'Esprit connaît nos faiblesses et instabilités, Lui en qui la création toute entière gémit dans l'attente douloureuse de la délivrance des enfants de Dieu. L'Esprit a inspiré l'Église pour nous allaiter maternellement et nous inciter à refaire à notre tour la montée vers la Ville Sainte, à travers ces 40 jours bénis du Carême pascal. L'Église considère ce temps avec joie et espérance, nous convie à nous y préparer par un effort spirituel renouvelé, dans une attitude de prière intérieure plus constante, dans le souci aussi de partage de nos biens dans la compassion et l'oubli de soi-même.

En un mot, elle nous invite à mettre littéralement nos pas dans les pas du Maître et donc, pour Le suivre, à nous « retourner » vers Lui dans un mouvement intérieur de repentance et de conversion du cœur, dans une recherche renouvelée de l'Unique nécessaire, de la Drachme perdue.

Mettre ses pas dans ceux du Christ, c'est Le laisser naître, grandir, mourir, ressusciter en nous selon la parole de l'Apôtre qui nous incite à avoir « les mêmes sentiments que le Christ Jésus » (Phil.2,5), à ce que ce ne soit plus moi qui vive, mais le Christ qui vive en moi (Gal.2,20).

Mettre ses pas dans ceux du Christ, c'est Le suivre avec crainte et amour, portés par un élan indicible d'amour et de compassion envers le Maître qui s'en va vers la Passion; de compassion aussi envers tous ses enfants en qui nous Le découvrons, les malades, les pauvres, les diminués, les laissés pour compte.

Au terme du chemin de croix, le Ressuscité nous attend la nuit même de Pâques sur les bords du lac de Galilée. Il nous redira les trois questions adressées Simon Pierre par lesquelles Il le rétablira dans sa primauté apostolique : « M'aimes-tu ? M'aimes-tu plus que ceux-là ? » Mais la réponse d'amour (« Seigneur, Tu sais tout, Tu sais que je T'aime ») se prépare et se rédige en nos cœurs dès maintenant, à travers ce chemin de fidélité où nous sommes construits par l'Amour, anticipant dès maintenant la joie de la Résurrection.

Père Boris

Bulletin de la Crypte N° 321 mars 2004