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Quelques Notes sur le Patrimoine chrétien intangible de l’Ethiopie chrétienne: l’éducation traditionnelle
Conférence le 29 octobre 2002 à l’UNESCO, Paris
par Christine Chaillot, fondatrice et secrétaire
Si le patrimoine tangible de l’Ethiopie chrétienne est très riche, comme on va vous le démontrer à ma suite, il ne faut pas pour autant oublier ou sous-estimer le patrimoine dit ‘intangible’ de ce pays.
Le patrimoine intangible, c’est tout ce qui n’est pas tangible; il inclut toute expression artistique (danses, chants) et tout un ensemble de valeurs éthiques et spirituelles, y compris la liturgie, et aussi les enseignements traditionnels et oraux.Les liens entre l’Eglise éthiopienne et l’Eglise copte d’Egypte ont perduré jusqu’en 1959, date à laquelle l’Eglise d’Ethiopie est devenue autocéphale, c’est-à-dire indépendante. Une grande partie du patrimoine éthiopien chrétien est liée directement à l’Eglise d’Egypte, puisque le premier évêque d’Ethiopie, Frumentius, a été consacré par le Primat de l’Eglise d’Alexandrie, Saint Athanase, au 4e siècle. Relevons que Frumentius était originaire de Tyr, un port situé aujourd’hui au Liban, région de traditions chrétiennes grecque et syriaque. Les traditions de ces deux Eglises (la syriaque, et en particulier la copte), et d’autres encore, ont influencé la tradition de l’Eglise d’Ethiopie à différents niveaux, par exemple par les textes reçus de la tradition copte pour célébrer la liturgie, et par la littérature chrétienne en général.
Les Ethiopiens pensent être également marqués par des influences hébraïques, en faisant rappel de leurs liens anciens remontant, selon leur tradition, à la reine de Saba et au roi Salomon.Pourtant ce qui nous intéresse de souligner ce soir ce sont les domaines que les Chrétiens éthiopiens ont marqué de leur sceau selon leur propre culture locale, d’une manière qu’on appelle aujourd’hui ‘inculturée’, comme par exemple dans la manière d’exécuter la liturgie, d’enseigner, etc. Ce phénomène ‘d’inculturation’ s’est développé à travers les siècles et a permis qu’en Ethiopie le Christianisme se vive et se manifeste d’une manière unique.
Nous allons essayer de présenter ce soir quelques exemples de l’éducation traditionnelle chrétienne en Ethiopie.Pendant des siècles l’éducation était transmise uniquement autour des églises et dans les monastères. Les enfants, en particulier les garçons qui étaient destinés au diaconat, à la prêtrise et à la vie monastique ainsi qu’à l’enseignement traditionnel, apprenaient tout d’abord à lire et à écrire dans la maison dite de lecture (nebab bet). Comme pour les autres langues sémitiques, l’alphabet de la langue classique de l’Ethiopie, le ge’ez, commence par aleph, beth, etc. Le premier texte que lisent les enfants est celui de la Première Epître de Saint Jean, puis les textes des autres Evangiles et des Psaumes.
Traditionnellement l’étudiant avancé doit apprendre à faire un livre à partir de peaux de bêtes et à y copier, par exemple, tout le livre de chant religieux (degwa), en y ajoutant des signes musicaux (meleket). On apprenait aussi l’art de la calligraphie (qumtsifet) et celui de l’enluminure des manuscrits (hareg). On trouve encore des peintres faisant des images et des icônes traditionnelles, mais je n’en ai pas rencontrés qui continuent à préparer les couleurs à base de plantes et de pierres ou minéraux locaux, comme cela se faisait jadis.Quant à l’éducation supérieure, elle est donnée dans trois écoles: 1) celle où l’on enseigne la musique liturgique (zema), 2) l’école où l’on enseigne la grammaire ainsi que l’art d’écrire des poèmes (qene),
et 3) l’école dite des ‘Livres’ dite aussi école d’interprétation ou école des commentaires (tergum bet) où l’on étudie en particulier l’Ancien et le Nouveau Testaments, les Pères de l’Eglise, (en particulier ceux d’Alexandrie et de la Cappadoce), et également des textes relatifs à la vie monastique et ascétique1. Les études des commentaires sont considérées comme étant le sommet de toutes les études.
Les études dans ces écoles peuvent durer plus de vingt ans!Pour l’étude biblique, l’étudiant lit tout d’abord une ou plusieurs phrases de la Bible; puis le professeur fait une traduction littérale à partir du ge’ez vers l’amharique, la langue moderne la plus utilisée en Ethiopie, et qui dérive du ge’ez: puis le professeur fait un commentaire en amharique et explique le sens théologique et symbolique de chaque mot et phrase. Pour un seul verset on peut trouver plus de dix degrés d’interprétation2! Puis de petits groupes se constituent pour essayer de commenter à la manière du maître, et ils retournent auprès de lui pour que ce dernier les examine. Traditionnellement on apprenait aussi tout par coeur et on n’avait pas le droit d’écrire. Pourtant certains commentaires ont été transcrits, comme ceux du Maître Esdros (fin du 17e siècle). Celui qui peut maîtriser ces quatre sujets principaux, l’Ancien et le Nouveau Testaments, Le Livre des Pères de l’Eglise (Liqawint) et Le Livre des Moines, est appellé ‘celui qui a quatre yeux’ (arat ayna).
L’école de musique liturgique (appelée zema) inclut quatre disciplines:
a) l’étude du chant liturgique (degwa) pour toute l’année liturgique3. Dans cette école aussi, les étudiants doivent bien observer le professeur, puis répéter jusqu’à tout mémoriser.
Il en va de même dans b) l’école qui prépare les chantres (debteras) de la chorale, et qui exécutent (par exemple) les hymnes après la communion (zemmare), et ceux pour les funérailles et les commémorations des morts(mawasit)4.
c) Les chantres, ou debteras, étudient l’art de chanter en s’accompagnant de sistres, de bâtons de prières et de tambours, ce qui s’appelle l’aqwaqwam, littéralement ‘comment se tenir debout’, c’est-à-dire en apprenant la manière de se déplacer et d’utiliser les instruments de musique de certaines façons.
Selon la tradition éthiopienne la musique liturgique remonterait à Yared, un saint éthiopien du 6e siècle.
d) L’école pour étudier la liturgie et d’autres prières (qeddase bet) est réservée aux diacres, aux prêtres et aux futurs professeurs5.Avant l’introduction de l’éducation occidentale en Ethiopie, les debteras et autres professeurs traditionnels étaient considérés comme l’élite intellectuelle.
Nous nous concentrerons ici à détailler deux des matières précitées, et si spécifiques à la tradition chrétienne éthiopienne: le qene et l’aqwaqwam.
Soulignons qu’il faut d’abord avoir terminé l’école de qene, décrite à présent, pour être admis dans l’école des Commentaires citée plus haut.Le qene est un genre de poésie typiquement éthiopienne, créé oralement selon certaines règles strictes, en particulier celle de trouver un double sens au poème. Il y a donc deux niveaux de compréhension dans le qene : le niveau direct ou littéral et le niveau ‘caché’: les deux sont appelés ‘cire’ et ‘or’, faisant allusion au procédé du bijoutier qui doit couler ses figures en or dans un moule en cire. Pour devenir maître en qene il faut donc très bien posséder la langue ge’ez, être capable de vérifier si ‘l’or’ et la ‘cire’ vont bien ensemble, sans erreur grammaticale et sans erreur symbolique. Il faut aussi avoir une bonne connaissance de la Bible, et de l’histoire et des légendes de l’Ethiopie, comme le montre l’exemple suivant de qene:
«L’arbre a grandi, comme l’arbre qui fleurit quand il est arrosé par le paysan »,
ce que l’on peut comprendre aussi de la manière suivante: «Takla Haymanot fut sanctifié par ses larmes (sous entendu de componction), car le nom Takla Haymanot signifie ‘plante de la foi’ et c’est le nom du grand saint éthiopien national, et un grand ascète. La signification finale de ce poème est aussi que Saint Takla Haymanot, qui mourut en 1313, participa à la restauration de la dynastie des rois éthiopiens, dite salomonienne.Pour préparer le qene il faut d’abord méditer pour comprendre le sens profond de ‘l’or’ et ses différents aspects afin de sélectionner ceux qui seront utilisés pour le qene ; puis il faut trouver des analogies qui conviennent pour la ‘cire’. Cela exige de la concentration et de la méditation. Il y a environ neuf types de qene, du poème de deux lignes jusqu’à celui de onze lignes. L’auteur du qene peut faire des commentaires de la Bible, de la vie des saints; il peut aussi célébrer une grande fête chrétienne à l’église, et même un événement national, un mariage, etc.
Un célèbre professeur de ge’ez à l’Université d’Addis Abeba, Alemayahou Mogas, a dit que le qene sert à éduquer les gens et à les rendre forts. Quant à Admasou Mogas, un autre professeur de qene, il pensait que ce genre poétique développe la conscience et renouvelle l’esprit.
Chaque forme de qene doit suivre son propre ton musical. Cet apprentissage peut mettre de un à trois ans, mais pour devenir professeur il faut compter de cinq à neuf ans, et aller s’instruire auprès de différents grands maîtres de qene à travers le pays6. Cela est semblable aussi pour toutes les autres matières traditionnelles.Les chantres ou debteras composent de nouveaux poèmes ou qene en particulier pour chaque grande fête chrétienne. Celui qui compose le qene se place juste derrière le debtera qui va le chanter (selon le ton du qene), et il le lui récitera, vers par vers. Les jours normaux, avant la liturgie, les debteras chantent environ deux heures. Mais les jours de fêtes chrétiennes, (et ils sont nombreux en Ethiopie car ils incluent les grandes Fêtes du Christ, les fêtes de la Vierge et des saints, célébrées annuellement et mensuellement), alors les chants des debteras commencent après le coucher du soleil et durent toute la nuit jusqu’au début de la Liturgie Eucharistique, et ils continuent après cette Liturgie.
Afin de rythmer leurs chants et leurs mouvements (aqwaqwam) les debteras s’accompagnent d’intruments musicaux: les tambours (kebero), les sistres (tsenatsel) et leurs bâtons de prières (maqwamia). Pendant le Carême, en signe de pénitence et de deuil, ils n’emploient ni les tambours ni les sistres, mais seulement les bâtons7. On dit que ces mouvements rappelleraient la danse de David devant l’Arche de l’Alliance (2 Samuel 6 : 5, 15, 16).
Il y a deux écoles principales d’aqwaqwam: celle de Gondar où les debteras bougent leurs bâtons lentement, et les tiennent plus près du corps et plus près du sol; et l’école dite de Tekle, d’après le nom de homme qui l’a créée: là les mouvements se font avec des gestes plus larges et plus en hauteur.Dans la spiritualité de l’Eglise d’Ethiopie tout est symbolisme, même en ce qui concerne le mouvement des bâtons des debteras qui rappellent les souffrances du Christ. Ainsi, par exemple, lorsque les debteras lèvent puis baissent leurs bâtons, cela symbolise la Crucifixion du Christ et Sa descente de la Croix; monter les bâtons encore plus haut symbolise le fait d’avoir donné à boire au Christ du vinaigre au bout d’une lance.
Au début de l’aqwaqwam (qu’on appelle ‘musique debout’ (qum zema), les debteras tiennent leurs bâtons dans la main droite et en frappent le sol en cadence, lentement: ce mouvement est appelé zemmame. C’est le seul mouvement autorisé pendant le Carême. Dans un second temps toujours lent, appellé ne’ous, les debteras n’emploient que les sistres qu’ils élèvent puis baissent trois fois, et on commence à frapper les tambours. Lors du stade suivant (meregd) les debteras agitent leurs sistres plus rapidement, et plus rapidement encore lors du quatrième stade (sefat). Finalement les mouvements des debteras s’accélèrent de plus en plus, et ils utilisent les sistres et les bâtons en même temps. Puis ils déposent sistres et bâtons et frappent dans leurs mains. Ils forment ensuite deux lignes, face à face, en avançant et en reculant ensemble; à la fin ils se déplacent en formant un cercle. Ces mouvements symbolisent la vie et les voyages de Jésus de Galilée à Jérusalem, puis de Jérusalem en Judée. La ronde (en cercle) symbolise les voyages des Apôtres autour du monde pour prêcher l’Evangile8.De nos jours ces sortes de ‘danses’ sont aussi exécutées par les jeunes des écoles du dimanche (Sunday School), y compris par des jeunes filles.
Tout ce système d’éducation est basé sur l’oralité, la répétition et le fait d’apprendre par coeur.
Ce système d’enseignement rappelle la tradition sémitique, et aussi la tradition africaine, ainsi que celle suivie par les Chrétiens d’Occident autrefois.En Ethiopie, comment continuer ce système d’éducation traditionnelle, comment le préserver, surtout dans les villes où la modernité s’installe?
L’un des rares professeurs ‘à quatre yeux’ encore vivant, Abba Gebre Selassie, qui enseigne au Collège Théologique de Saint Paul à Addis Abeba, m’a dit: «De nos jours c’est dans les villages que l’on maintient la tradition ». Quand je l’ai rencontré en 2002, il avait 89 ans et il m’a dit avoir étudié cinquante ans! Quel exemple pour les jeunes générations! Il me fit aussi la simple déclaration suivante, pleine de bon sens, d’expérience et d’ascétisme: «Ma génération était complètement dédiée à la religion et à son étude ; nous n’avions pas le temps de penser au monde. De nos jours la nouvelle génération est différente, c’est pourquoi je lui conseille d’apprendre ce que disaient nos pères».
On peut relever qu’aujourd’hui certains jeunes gens suivent l’éducation traditionnelle parallèlement à l’instruction reçue dans les écoles d’Etat.
Il est intéressant de dire que depuis plus d’un an, et pour la première fois, de nombreuses jeunes filles et jeunes femmes sont acceptées pour étudier certaines matières traditionnelles au Collège de Théologie de la Sainte Trinité à Arat Kilo, à Addis Abeba. Il est évident qu’elles ne suivront pas les cours qui préparent au diaconat et à la prêtrise. Dans certains endroits j’ai vu de jeunes moniales suivre également les cours traditionnels. Ces dernières décennies quelques femmes ont enseigné et continuent d’enseigner des matières traditionnelles, en particulier le qene. A l’Ecole de Saint Yared à Axoum j’ai rencontré trois femmes qui enseignent le qene. Emahoy Gelanesh Hadis, du Washera (dans le Gojam), décédée en 1985, était aveugle: elle avait appris l’art du qene avec son père, lui-même un professeur de qene renommé9.En principe le qene n’est utilisé qu’une seule fois, lorsqu’on le compose et on le déclame. Pourtant il est possible d’en transcrire les meilleurs : c’est le cas pour de grands maîtres du qene, comme Alemayahu Mogas et Admasu Mogas ou Gelanesh Hadis, déjà cités.
Quelques traductions de qene ont été publiées en amharique, et quelques exemples sont traduits en langues étrangères dans des articles sur les études éthiopiennes.Il me paraît important de motiver les jeunes en Ethiopie à étudier en particulier ces matières traditionnelles, y compris, bien entendu, la langue classique, le ge’ez, utilisée jusqu’à présent pour les prières et pour la liturgie. Mais il faut aussi aider les jeunes à comprendre en profondeur la nécessité de garder ce patrimoine intangible vivant. Il faudrait également, par exemple, faire une sorte de sonothèque de documents enregistrés auprès des grands professeurs traditionnels encore vivants. C’est ce que j’espère commencer à faire avec quelques étudiants du Collège de Théologie de la Sainte Trinité d’Addis Abeba en janvier 2003.
Nous n’avons pas le temps de décrire ici en détail la vie des étudiants traditionnels qui est elle aussi très spécifique puisqu’il leur faut quitter leur famille et aller vivre dans un monastère ou une paroisse qu’ils auront choisis. Là un ‘quartier’ spécial leur est réservé pour étudier, manger et dormir. Pour les leçons, les étudiants s’asseyent traditionnellement autour du professeur, en cercle, ou sous un arbre, selon la coutume africaine. Ils étudient le jour et même le soir. C’est aussi la tradition que les étudiants aillent mendier leur nourriturequ’ils entreposent dans un sac spécial10.
Il faudrait mentionner aussi d’autres spécificités de la spiritualité de la tradition de l’Eglise éthiopienne orthodoxe, comme par exemple les pèlerinages, qui se font souvent à pied, et qui peuvent durer parfois plusieurs semaines, dans les principaux lieux historiques et saints et dans les monastères. Il faudrait aussi étudier en profondeur l’ascétisme de la vie monastique en Ethiopie11.
Tous ces phénomènes d’inculturation sont uniques. Il est crucial de les préserver en Ethiopie. Cela est très important pour la tradition et le patrimoine de l’Ethiopie. De telles études peuvent aussi, sans aucun doute, intéresser beaucoup de chercheurs dans le monde ainsi que d’autres personnes comme les Africains et les autres Chrétiens, en particulier les Chrétiens d’Orient dont la vie et la spiritualité sont très proches de celles des Chrétiens d’Ethiopie. L’Eglise d’Ethiopie est encore un témoin d’un Christianisme très ancien qui a gardé et qui continue de garder sa tradition toujours vivante.
Notes
1) Cela est enseigné par l’étude du Livre des Moines (Meshafe Menekosat), compilation d’auteurs ascétiques d’origine syriaque: (Philoxène de Mabboug, Isaac de Ninive et Jean Saba). Dans l’école des commentaires on enseigne aussi d’autres matières comme l’histoire de l’Eglise, le Droit Canon.
2) Les meilleures écoles pour étudier l’Ancien Testament se trouvent à Gondar, au Gojam et à Axoum ; pour le Nouveau Testament à Gondar; pour les Pères de l’Eglise au Monastère de Debre Libanos et à Ba’ata (Addis Abeba); et pour les Livres Monastiques à Ba’ata.
3) Le centre final de cette étude (degwa) pour être diplômé se trouve à Bethléhem, près de Debre Tabor.
4) Pour le diplôme les étudiants vont à l’école de Zouramba, proche de Bethléhem.
5) Là aussi les groupes d’étudiants, plus ou moins avancés, répètent les prières par coeur, ou peuvent aussi suivre dans un livre. Les écoles les plus connues sont celles des monastères de Selekoula et de Debre Abbay.
6) Il y a différentes écoles célèbres de qene dont celle de Wadladelanta au Wollo, celles de Washera, de Gonj, de Selalo, toutes trois au Gojam, et celle de Gondar; chaque école a ses spécificités.
7) Surtout pendant le Grand Carême on écoute aussi des chants monocordes accompagnés par des intruments à corde éthiopiens: le begena et le masango.
8) Le Dimanche des Rameaux, afin de commémorer les gens qui se prosternaient pour célébrer l’Entrée du Christ à Jérusalem, les debteras s’inclinent lentement et de manière répétitive: cela se fait en particulier à Axoum.
9) Elle enseigna l’art de composer le qene plus de cinquante ans à Debre Tselalo, à l’est de Baher Dar.
10) Ils le font en prononçant le nom de la Vierge ou celui du saint du jour. Les fidèles considèrent que c’est une bénédiction de nourrir les étudiants (qui sont leurs futurs prêtres, moines, et enseignants de leur tradition religieuse), et ils leur donnent de la nourriture en répondant: « Que Dieu te donne récompense », ou « Que Dieu te bénisse et soit avec toi pour toujours ». Cette mendicité est considérée comme un acte ascétique et la vie des étudiants comme un acte biblique puisqu’ils ont tout quitté pour étudier et ensuite servir l’Eglise. Les étudiants doivent partager la nourriture récoltée avec les autres étudiants, surtout ceux qui sont malades, aveugles ou handicapés, car le support mutuel est très important. Si l’un d’eux mange seul, on le surnomme alors ‘hyène’! Cette vie difficile est une manière de fortifier les étudiants spirituellement.
Comme me l’a expliqué le maître Berhane Masqel Araya, un professeur très traditionnel et qui enseigne l’Ancien et le Nouveau Testament à l’Eglise de Saint Stéphane à Addis Abeba, c’est pour l’amour de l’étude que les étudiants acceptent de vivre avec le minimum d’habits, de confort, de nourriture, et en étudiant sans cesse. Apprendre par coeur oblige l’étudiant à se concentrer sur chaque mot. Un autre avantage à tout savoir par coeur consiste à pouvoir prier ou enseigner ce que l’on a appris en toutes circonstances et lieux, même quand on travaille ou laboure. Mais le plus important, c’est la dimension spirituelle car, comme me l’a expliqué le maître Berhane : «Si nous gardons tout le temps présente dans notre coeur la Parole de Dieu, cela nous empêchera de faire le mal, car nous nous souviendrons à chaque instant de chacune de Ses Paroles ».11) Par exemple, des moines du Monastère de Waldabba m’ont témoigné que là-bas (au nord-est de l’Ethiopie) des ermites vivent encore dans des troncs d’arbres très épais qu’ils ont creusés, ce qui leur permet de rester debout sans bouger pendant les longues heures de prières. Par ascétisme il est de coutume pour les veufs et les veuves de se consacrer à la vie monastique.
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