→ Retour à la page "Chronique"
Lettre à Tite II, 11-14, III, 4-7 – évangile selon saint Matthieu III, 13-17.
Par rapport aux usages pharisiens, le baptême de Jean était un véritable bouleversement. Alors que les ablutions des pharisiens étaient répétitives et surtout n’enlevaient que les impuretés rituelles, le baptême de Jean au Jourdain était un baptême réel pour la rémission des péchés en profondeur.
Pourtant, entre le baptême que Jean pratiquait et celui que Jésus recevra de ses mains, il y a encore un abîme. Car Jean baptisait d’eau et Jésus sera baptisé d’eau et d’Esprit. Il est évident que Jésus n’est pas allé vers Jean pour se faire remettre des péchés, Il n’en avait aucun. Mais Il était l’Agneau de Dieu qui prend les péchés du monde. Il était le Serviteur souffrant de l’Écriture appelé à prendre tous nos péchés, depuis la Création du monde jusqu’à la fin des temps, donc aussi nos propres péchés à nous hommes d’aujourd’hui.
Jésus est venu dans le monde pour nous libérer, et le monde avec nous, de tous nos péchés et, au-delà de nos péchés, de la mort.
Quand Jésus plonge dans le Jourdain, fleuve traditionnellement sacré, c’est pour y abandonner tous nos péchés et ceux du monde.
Mais Jésus y reçoit la révélation du prix à payer. Dans le fond des eaux du Jourdain, ce sépulcre liquide comme dit l’Église, la Croix est présente. Le baptême du Jourdain préfigure pour Jésus le baptême de la Croix, le baptême du sang en Sa propre mort. Aussi Jésus, dès
Son baptême, sait que le combat contre le démon est désormais engagé et que, pour le gagner, il Lui faudra passer par la mort.
Là n’est pas la seule révélation du Baptême de Jésus. La voix du père s’y fait entendre, qui confirme le Fils dans Sa mission : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma bienveillance. » Révélation confirmée par le baptiste : « J’ai vu et je confirme que Celui-ci est le Fils de Dieu. »
Bien entendu la bienveillance du Père n’est absolument pas l’expression d’un sentiment affectif du Père pour le Fils. Ceci signifie que le Fils en Personne est Lui-même la bienveillance incarnée du Père pour nous. Car c’est pour nous hommes, dont Jean est le témoin, que la voix du Père s’adresse. En Jésus réside toute la bienveillance du Père pour nous, c’est-à-dire Sa miséricorde, Son amour sans limite et
Sa décision de nous arracher au néant de la mort.
Dans le même temps l’Esprit apparaît et se pose sur Jésus. C’est l’Esprit qui investit Jésus de sa mission salutaire pour le monde et les hommes. Ainsi le baptême du Christ devient aussi pour nous une Théophanie, une manifestation de toute la Sainte Trinité, Père, Fils et Esprit, la révélation des trois Personnes unies pour notre salut.
Au Jourdain, avec Son baptême, par Son baptême l’humanité du fils est totalement envahie par l’Esprit et mue·par Sa puissance. Le baptême devient pour Jésus un temps de Pentecôte personnelle. À partir de ce moment non seulement Jésus reçoit l’Esprit qui le pousse à agir, mais encore Il dispose de Lui pour manifester l’œuvre de Dieu au monde. À partir du baptême la vocation du Christ jusqu’ici inscrite en puissance s’affirme immédiatement en acte. Dès le Baptême, Jésus affronte et repousse le démon au désert. Il ne cessera d’en être ainsi jusqu’à la Croix, quand la voix du Père retentira à nouveau, disant de son Fils : « Je L’ai glorifié et Je Le glorifierai encore ! » Car, ce Jour-là, le prince de ce monde aura été jeté dehors.
Il y a donc continuité entre le baptême du Christ et son envoi dans le monde sous la motion de l’Esprit. Toute proportion gardée, à la Pentecôte, l’Esprit devient aussi acteur à l’intérieur de nos personnes et de notre nature. « Ne savez-vous pas, dit saint Paul, que votre corps est un temple du Saint Esprit ? » Investi par l’Esprit, les disciples de Jésus deviennent apôtres et annoncent le Royaume jusqu’aux confins du monde. Quant à nous, baptisés d’eau et d’Esprit, nous devenons à notre tour, comme disent les Pères, des petits Christ, prêtres, rois et prophètes. Prêtres, parce que nous sacrifions la part démoniaque de notre être et l’offrons par notre repentir au Seigneur ; rois, parce qu’en tant que créatures renouvelées par l’Esprit nous offrons à Dieu le monde entier ; prophètes parce qu’à notre tour nous proclamons la Seigneurie du Christ notre Dieu et la venue de son Royaume.
Le salut du monde s’origine ainsi dès le Baptême du Christ au Jourdain. Pour cela la seconde Personne de la Sainte Trinité, comme le dit saint Paul, a accepté de s’humilier jusqu’à la bassesse de notre nature pécheresse et jusqu’à la mort sur la Croix. Il convient que nous-mêmes, à notre tour, baptisés dans les fonds baptismaux – image du Jourdain et figure de la Croix –, et chrismés par le sceau du don de l’Esprit, nous entrions dans la voie ouverte par le Christ. Il nous faut, par l’exemplarité de nos personnes et de notre nature régénérées, savoir mourir à nous-mêmes. Pour manifester aux hommes nous aussi la présence du Royaume et du salut de Dieu dans le monde.
Amen