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La parabole du Semeur

Parabole du Semeur

Texte de la parabole Lc 8, 5-15 et commentaire patristique par saint Jean Chrysostome

Homélie prononcée par Père André à Metz le dimanche 21 octobre 2007

Le SemeurAu nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

La parabole que nous venons d’entendre est bien connue de tous. C’est la première parabole rapportée par les évangélistes. Le sens est assez clair, le Seigneur en donne Lui-même l’interprétation.

Le semeur est sorti pour semer sa semence. La semence, c’est la Parole de Dieu, dit Jésus. La Parole de Dieu, c’est le Seigneur Lui-même, le "Fils unique et Verbe de Dieu" que nous chantons dans la Liturgie, la Parole qui "s’est faite chair", selon les termes de l’Évangile de Jean, qui a pris chair, de manière unique, dans le sein de la Vierge Marie, la sainte Mère de Dieu. Cette même Parole nous est donnée comme une semence pour que le Christ naisse en nous, prenne racine dans notre propre substance, se développe et devienne finalement toute notre vie, afin que nous puissions dire avec saint Paul dans l’épître qui vient d’être lue : "Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi". Afin que nous devenions le Temple de Dieu. Tel est le dessein de Dieu pour nous, telle est notre vocation !

Mais nous sommes interpellés par cet avertissement du Seigneur : "Que celui qui a des oreilles pour entendre entende !" Est-ce pour nous, est-ce pour moi qu’Il dit cela ?

Et aux disciples qui demandent la signification, Jésus répond : "A vous il est donné de connaître les mystères du Royaume de Dieu ; mais pour les autres, cela leur est dit en paraboles, afin qu'en voyant ils ne voient pas, et qu'en entendant ils ne comprennent pas."

Ces propos peuvent paraître étranges ! Le Seigneur désire-t-Il que nous ne comprenions pas ? Jésus fait ici écho à la prophétie d’Isaïe : "Le Seigneur dit à Isaïe : Va, et dis à ce peuple : vous entendrez, et vous ne comprendrez pas ; vous verrez, et vous ne saisirez pas. Rends insensible le cœur de ce peuple, endurcis ses oreilles, et bouche-lui les yeux, pour qu'il ne voie pas de ses yeux, n'entende pas de ses oreilles, ne comprenne pas de son cœur, ne se convertisse pas et ne soit pas guéri..." (Is. 6, 9-13)

La Bible s’exprime souvent ainsi. Comme l’expliquent les Pères, et en particulier saint Jean Chrysostome, il faut comprendre que ce n’est pas la volonté du Seigneur que nous n’entendions pas et que nous ne soyons pas sauvés, bien au contraire. C’est une manière habituelle dans la Bible de dire que si Dieu ne peut rien pour nous, c’est à cause de l’endurcissement de notre cœur, qui nous empêche de recevoir la Parole de Dieu. Ou parce que nous avons d’autres priorités, ou d’autres soucis. C’est par tout cela que nous empêchons le Seigneur de nous sauver.

En fait, s’il en est un qui veut que nous ne soyons pas sauvés, c’est le diable qui, comme le dit Jésus : "enlève la Parole de leur cœur, de peur qu’ils ne croient et soient sauvés."

Un plus loin dans le Livre d’Isaïe, pour nous montrer que le désir de Dieu est bien de nous sauver, Il fait la promesse qu’aux temps messianiques : "Les yeux des aveugles s'ouvriront, les oreilles des sourds s'ouvriront…" (Isaïe 35, 1-5). Et dans les récits évangéliques, nous voyons en effet Jésus guérir beaucoup de malades : Il fait entendre les sourds et voir les aveugles. Il est clair qu’Il leur donne à voir plus que des formes et des couleurs, qu’Il leur donne à entendre plus que des sons. Il fait Lui-même dire à Jean-Baptiste que ces guérisons attestent qu’Il est bien l’envoyé du Père (Luc 7, 18-23). Jésus opère ces guérisons pour qu’Il nous soit donné de voir Dieu dans ses œuvres et de recevoir sa Parole.

Cette Parole est semée largement. "Elle est prêchée à toute créature", dit saint Paul (Colossiens 1, 23). Nous la recevons en particulier lorsque l’Évangile est proclamé dans l’Église, et aussi par la prière et la lecture que nous faisons à la maison. Je rappelle au passage l’importance de lire chaque jour les Lectures indiquées dans le calendrier liturgique. Notre participation à la communion suppose notre prière quotidienne, et en particulier la lecture de la Bible. C ’est un moyen privilégié par lequel Dieu nous adresse sa Parole. Même si nous ne comprenons pas toujours immédiatement ce qu’Il veut nous dire, la fidélité finit par porter des fruits.

La compréhension ne vient d’ailleurs pas seulement de nous, c’est un don de Dieu. C’est dans l’Esprit Saint qu’il nous est donné de comprendre : "L’Esprit Saint vous enseignera toutes choses, Il vous conduira dans la vérité tout entière" (Jean 14, 26 ; 16, 13). C’est pourquoi nous commençons toujours les prières par l’invocation du Saint-Esprit. C’est pourquoi aussi, avant la lecture de l’Évangile, le prêtre dit cette prière : "Fais resplendir dans nos cœurs la pure lumière de la connaissance de ta divinité, ô Maître ami des hommes, et ouvre les yeux de notre intelligence pour que nous comprenions ton message évangélique. Inspire-nous aussi la crainte de tes saints commandements."

La crainte des commandements, c’est bien sûr pour que nous les mettions en pratique. Il s’agit de comprendre la Parole non en la discutant, en nous livrant à des discours et des spéculations, mais en la mettant en pratique avec la simplicité du cœur.

L’état de notre cœur joue donc un rôle essentiel. Si notre cœur est endurci par l’orgueil, ou s’il est encombré par des soucis, des convoitises, la Parole de Dieu ne peut y faire sa demeure. Mais si notre cœur est bien disposé, s’il est purifié, alors la Parole semée peut produire beaucoup de fruits.

"Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu" dit encore Jésus dans les Béatitudes (Mathieu 5, 8). La pureté du cœur, cela dépend de nous, de notre désir, de notre volonté d’écarter ce qui peut l’alourdir, l’encombrer. Mais nos forces ne peuvent pas suffire, car Dieu seul est pur, Dieu seul est saint. C’est pourquoi nous avons besoin de le demander : "Ô Dieu, crée en moi un cœur pur et renouvelle en mes entrailles un esprit droit." (Psaume 50, 12) C’est la présence de Dieu qui crée la pureté, qui est la pureté.

Notre part de travail consiste à préparer et entretenir le terrain. Le terrain de notre cœur a besoin d’être travaillé, labouré, ameubli pour s’ouvrir, devenir perméable à la grâce de Dieu, devenir fertile, pour que le Seigneur puisse croître en nous. Alors qu’un cœur dur est comme le chemin ou le sol pierreux de la parabole.

Ameublir le cœur, cela signifie se repentir. Nous avons sans cesse besoin de nous repentir, de demander pardon pour nos péchés. Cela ne signifie pas que nous devons rester dans la culpabilisation ou le désespoir, bien au contraire. Si nous demandons sincèrement le pardon de nos péchés, alors le Seigneur pourra agréer la disposition de notre cœur et y faire sa demeure, car Il ne désire que notre salut. "Un cœur brisé (contrit) et humilié, Dieu ne le méprisera pas…" (Psaume 50, 19)

Alors nous pourrons porter des fruits. C’est le Seigneur qui le dit dans la parabole d’aujourd’hui : "La semence tombée dans la bonne terre donne du fruit au centuple". Il le dit de manière encore plus directe dans le dernier discours avant sa Passion : "Sans Moi vous ne pouvez rien faire ; celui qui demeure en Moi et en qui Je demeure porte beaucoup de fruits" (Jean 15, 5).

Quelle sorte de fruits ? Le Père Boris Bobrinskoy aime nous rappeler, en citant l’épître de saint Paul aux Galates, que "les fruits de l'Esprit, c'est l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur, la tempérance." (Galates 5, 22)

Mais est-ce que ne sont pas là justement les qualités d’un cœur bien disposé pour accueillir la Parole de Dieu et la faire fructifier ? Nous entrons finalement dans un cercle vertueux, dans lequel la grâce de Dieu est première, et nous offrons notre coopération au travail que Dieu accomplit en nous. Afin que ce qui nous est déjà donné ne cesse de grandir, pour la gloire de Dieu.

Prions le Seigneur qu’Il nous fasse miséricorde, qu’Il demeure en nous et qu’Il grandisse en nous.

Amen.

Père André

sur le site "Orthodoxe à Metz"

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