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Homélie

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Guérison du possédé gérasénien

23e dimanche après la Pentecôte
Épître aux Éphésiens II, 4-10
Évangile selon saint Luc VIII, 26-39

Méditation du "Moine de l’Église d’Orient"

Le possédé gérasénienL’Évangile du 23e dimanche après la Pentecôte (Luc 8, 26-39) décrit la guérison d’un possédé dans le pays des Gérasséniens. Tantôt on tenait cet homme lié par des chaînes ; tantôt il fuyait au désert et habitait dans des sépulcres (une vie dominée par l’esprit du mal n’est-elle pas déjà un tombeau ?). Voyant Jésus, le possédé se prosterne devant lui et le prie de ne pas le tourmenter, car Jésus avait commandé au démon de sortir de cet homme (qui parle maintenant comme s’il s’identifiait avec le démon lui-même). Du moins le démon, puisqu’il doit être expulsé, demande-t-il à Jésus de ne pas l’envoyer "dans l’abîme", c’est-à-dire dans I’Hadès où, d’après la conception juive, les démons subissent leurs souffrances, mais de l’autoriser à entrer dans un troupeau de porcs qui paissaient sur la montagne. Jésus y consent. Les démons (plutôt que le démon) abandonnent le possédé, entrent dans les porcs, et le troupeau tout entier se jette dans le lac de Galilée. L’homme qui avait été possédé est maintenant guéri, assis aux pieds de Jésus. Mais les Gérasséniens effrayés prient Jésus de s’éloigner : la présence du Christ n’est-elle pas toujours un danger pour notre vie privée et nos affaires ? Ne requiert-elle pas de nous de trop durs changements ?

Cet épisode, pour beaucoup de lecteurs de l’Évangile, n’est pas sans difficultés.

Il y a d’abord la question de la possession diabolique. Tous ces cas de possession diabolique dont parlent les Évangiles ne seraient-ils pas des cas de maladies nerveuses ? Les démons existent-ils ? Peuvent-ils posséder des hommes ? La science ne peut fournir aucune réponse à ces questions. Il est hors de doute que Jésus croyait à un esprit du mal personnifié et capable de prendre possession des individus. Que souvent, dans l’histoire ultérieure du christianisme, on ait attribué à des influences diaboliques ce qui relevait simplement de la pathologie mentale, nous l’admettons bien volontiers. Mais on ne saurait retrancher des Évangiles les cas de possession qu’en vertu d’une interprétation toute subjective et arbitraire. L’envoi des démons dans le troupeau de porcs semble aussi à beaucoup de lecteurs un mythe assez grossier. Sans prétendre pénétrer ce qui demeurera un mystère, nous inclinerions à voir surtout dans la fin malheureuse du troupeau de porcs un "signe" : Jésus suggère que l’abandon à la puissance du mal conduit toujours à la mort et à la perte totale, avec, dans les derniers moments, un certain caractère de fureur.

Insistons sur quelques aspects secondaires de l’épisode. Jésus demande au possédé : "Quel est ton nom ?"

Il y a là plus qu’une simple question ; une thérapeutique est déjà incluse dans ces paroles. Car Jésus veut ramener le possédé, qui a parlé comme s’il ne faisait qu’un avec le démon, à la conscience de sa propre identité ; il veut lui rendre le sens de sa personnalité et de son indépendance. Chaque fois qu’un pécheur s’est enfoncé dans l’habitude jusqu’à sembler être dirigé par les puissances mauvaises, Jésus veut qu’avant toute autre chose le pécheur se dissocie de ces puissances et se souvienne de son nom propre, le nom que Dieu lui a donné : "Je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi…" (Isaïe 43, 1).

En ce nom, par lequel Dieu nous appelle, se trouvent notre vraie liberté et notre vraie vocation. Le possédé répond à Jésus : "Mon nom est légion", et l’Évangile explique : "parce que beaucoup de démons étaient entrés en lui". L’homme avait peut-être vu une légion romaine, cette force inexorable, à la fois multiple et unifiée.

De même, si nous nous laissons aller au péché, nous devenons "légion" ; nos instincts, nos images mentales, tous nos éléments psychiques acquièrent une indépendance chaotique ; la volonté affaiblie par chaque chute n’est plus en état de les ressaisir et de les coordonner ; notre personnalité entière se dissocie, se désintègre. Dieu seul peut rassembler et réparer ces fragments brisés. "Rassemble mon cœur…", comme nous le lui demandons dans le Psaume 86 (v. 11). Plus tard, quand le possédé a été guéri, il prie Jésus de le garder auprès de lui ; mais Jésus lui dit de retourner dans sa maison et d’y déclarer ce que Dieu avait fait pour lui. Et l’homme rentre "publiant dans la ville entière ce que Jésus avait fait pour lui". La plupart des chrétiens ne sont pas appelés à suivre Jésus au sens matériel du mot et à devenir des disciples itinérants, mais ils ont un apostolat normal à exercer dans leur milieu immédiat et quotidien, dans le milieu de leur famille et de leur travail : cet apostolat ne consiste pas à "prêcher", il consiste à rendre un témoignage personnel, à partager avec d’autres une expérience authentique, à "déclarer" et à "publier" ce que Jésus a fait pour eux.

Père Lev Gillet
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