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À l’instar de l’année dernière, à l’occasion de la semaine de l’Unité, nous proposons pour cette page d’éditorial la parole d’un de nos frères de l’Église catholique. Cette année, c’est le père diacre Frédéric de Maack qui nous offre une réflexion sur la foi, comme impératif pour la marche vers l’unité. Frédéric de Maack est un grand ami de notre communauté. Il est diacre à la paroisse Saint-Honoré d'Eylau et anime l’association Étoile Champs-Élysées qui regroupe 26 paroisses de l’ouest parisien dont notre Crypte est membre déjà depuis de longues années.
La Foi de l’autre est-elle la même que la mienne ?
La Foi de l’autre, de celui ou celle que je côtoie, que je rencontre par hasard, qui se trouve à côté de moi à un office, qui partage ma vie, cette foi est-elle véritablement semblable voire compatible avec la mienne ?
Pourquoi d’ailleurs poser cette question puisque dans mon église, on m’affirme aussi souvent que possible que la foi que je proclame est la plus droite, donc finalement celle dans laquelle à la fin des temps tout le monde se retrouvera.
Il est assez « commode » de reléguer la réponse aux questions pour la fin des temps, comme il est toujours possible de vivre sans questionnement, sans se préoccuper des autres, mais ce serait s’éloigner sensiblement du commandement du Christ : « Aimez-vous les uns, les autres », et puis notre mode de vie ne laisse que peu de place à la splendeur de l’isolement. L’isolement,dans la certitude conduit généralement à une forme de désintéressement vis-à-vis de tous ceux qui pensent différemment et ce désintérêt, lorsqu’il est affligé d’un dogmatisme mal assimilé, n’est alors plus très loin du rejet.
Quand le Christ dit : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimé », Il sousentend que son amour s’est appliqué à tous entièrement, complètement, et que cet amour a une seule et même origine : la Trinité ; mais Il sous-entend également que les bénéficiaires de cet amour seront aussi différents que le sont la Samaritaine, le publicain, le jeune homme riche, Marie Madeleine, l’aveugle-né ou le sourd-muet. À la lumière de ce commandement, l’intérêt porté à l’autre dans sa diversité et sa différence devient une exigence universelle pour les chrétiens.
L’oecuménisme trouve bien sa source danscette exigence de la Foi. Encore faut-il que cette Foi s’exprime, qu’elle soit vécue comme une richesse que l’on veut partager, que l’on veut faire découvrir.
On observe en effet une sorte de désintérêt actuel pour l’oecuménisme qui peut s’interpréter comme la conséquence d’un comportement psychosociologique général qui tend à refuser la complexité. Effectivement, on rencontre parmi les croyants un appauvrissement de certaines sensibilités ou de certaines doctrines religieuses et la situation qui en résulte manifeste aux yeux du monde extérieur une sorte d’oecuménisme apaisé, pour ainsi dire une unité retrouvée mais qui ne dit rien au monde sur l’état de la communion entre les Églises et ne fait que masquer des rivalités prêtes à ressurgir à la moindre sollicitation.
À quoi bon débattre de la pratique de la foi et de sa foi particulière, si finalement les hommes et les femmes sont d’accord sur des valeurs humanistes qui communément rendent la vie plus facile. Ajouter un problème « spirituel » à tous ceux que la vie du monde réserve, n’est-ce pas du luxe ? Alors abandonnons ce qui fait nos différences et nous vivrons en paix !
Mais objectivement, en quoi cette vie serait un message chrétien donné aux Églises pour les aider (les convaincre !) à suivre le commandement du Christ : « Soyez-uns ! »?
Ce n’est pas un hasard si Benoît XVI proclame cette année « Année de la foi », c’est pour mettre les catholiques devant leur responsabilité de témoins convaincus de leur foi et donc nouveaux missionnaires permanents. Mais cette exhortation s’adresse à tous les chrétiens en général : vivre pleinement sa foi dans sa confession particulière est un témoignage de l’universalité du message du Christ, et donc de sa plénitude dans la diversité de la compréhension des hommes et des femmes.
L’unité présuppose un mouvement vers l’autre. Nous éprouvons dans l’échange oecuménique la réalité d’une unité en marche, dynamique et vivifiante. Une Foi n’est vivante qu’à la condition de se nourrir de la seule source de vie : le Christ. Tout éloignement de cette source, assèche et finalement stérilise. « Si le sel s’affadit… »
Toute démarche qui se tourne vers le Christ, c'est-à-dire littéralement toute conversion, redonne la saveur de la vie. Pour suivre le Christ et l’annoncer, nous avons d’autant plus besoin d’être confrontés à nos différences, simplement pour aimer et se savoir aimés.
La vraie question n’est pas de savoir s’il y a aura encore des orthodoxes, des catholiques ou des protestants sur la terre quand le Fils de l’Homme viendra, mais bien : « Trouvera-t-il encore la Foi sur la terre ? ».